Nouveau jour, nouveau buzzword… L’intégration est un sujet en vogue en cette époque de prédictions, notamment après que David Armano, d’Edelman Digital, et Jeremiah Owyang, d’Altimeter, ont tous deux qualifié 2011 d’année d’intégration du social (“media” pour David, “business” pour Jeremiah).
Intégrer le social au business
Comme beaucoup de mots, « intégration » possède plusieurs sens, mais tous se rapportent au fait de « mettre une partie à l’intérieur du tout ». Dans une perspective business, la question d’intégrer du « social » dans chacun des aspects opérationnels de l’entreprise est de manière évidente une tendance que nous verrons se concrétiser un jour ou l’autre, mais je ne peux m’empêcher d’émettre des doutes quant à la longueur de la route que 99,9 pour cent des entreprises devront entreprendre pour se transformer en réelles entreprises collaboratives. L’intégration nécessite, avant de les inclure dans un tout, que chaque partie concernée existe.
De plus en plus d’initiatives démontrent les avantages compétitifs associés au fait de devenir une entreprise collaborative, et la croissance exponentielle du web social, où prend à présent place la plus grande partie des conversations entre clients, est une donnée incontournable, mais la plupart des entreprises n’y comprennent encore rien. Ces comportements sont encore majoritairement émergents. Sérieusement, déclarer 2011 l’année de l’intégration du social revient à la déclarer l’année du voyage dans le temps.
Intégrer le social aux plateformes
L’intégration se rapporte également à la technologie. Dans ce contexte, « intégrer » peut être utilement défini comme « traiter dans son ensemble ». L’iPod « traite le son dans son ensemble » dans le sens où, associé à iTunes, il intègre la plupart de nos interactions quotidiennes avec le son. Le résultat est un appareil simple au design épuré, quasiment universel, capable de procurer une expérience utilisateur parfaite tout en masquant toute sa complexité interne. De même, Microsoft Excel « traite les chiffres dans leur ensemble » à travers le simple et élégant paradigme de la grille.
Nous rêvons tous d’objets aussi idéalement intégrés que le Tricorder de Star Trek, mais « traiter dans son ensemble » ne produit pas forcément les résultats escomptés. Un autre produit phare de Microsoft, Word, est depuis longtemps synonyme de logiciel usine à gaz, avec de nombreuses fonctionnalités dont la plupart des utilisateurs ne veulent même pas entendre parler. En fait, Word « traite les mots dans leur ensemble » de la même manière dont l’iPod traite les sons, ce qui montre que l’intégration est loin d’être évidente lorsqu’il s’agit de traiter des concepts complexes. Il y a tant de façons d’utiliser les mots dans un document écrit qu’aucun logiciel ne peut les intégrer avec succès.
Lorsqu’il s’agit de « traiter le social dans son ensemble », les grosses plateformes ressemblant davantage à Word qu’à Excel ou à l’iPod. Les larges ensembles d’outils collaboratifs ne facilitent pas la collaboration, ils ne facilitent même pas la compréhension de ce que signifie « social ». Le temps nous dira si les éditeurs réussiront à développer un nouveau paradigme pour les interfaces collaboratives, mais, jusqu’à présent, les plateformes existantes démontrent clairement l’échec de ce que nous pourrions attendre de l’intégration.
Malgré tout, nous voyions aujourd’hui l’intégration technologique se développer bien plus rapidement que l’intégration opérationnelle… pour le meilleur ou pour le pire.
Intégrer le social au CRM ?
Compte tenu de l’importance grandissante du web social, il n’est pas surprenant de voir les entreprises chercher à suivre l’activité et les interactions de leurs clients au-delà de l’animation de communautés. « Traiter le client [social] dans son ensemble », telle est la promesse ambitieuse du CRM social. Comme vous l’avez deviné, l’intégration est (ou devrait être) ici encore une préoccupation majeure : mais devons-nous vraiment nous préoccuper de l’intégration dans ce domaine ?
Si j’avais une prédiction à faire pour 2011, ce serait la montée en puissance des outils analytiques. Traiter le client signifie la recherche et le traitement d’une myriade de données, et la plupart des outils actuellement disponibles sont soit terriblement imprécis, comme l’analyse du sentiment, soit nécessitent une réelle expertise et un long traitement manuel, comme l’analyse des réseaux. Ajoutez à cela la difficulté à surveiller et donner un sens à la modification en temps réel des interactions entre vos clients, et vous comprendrez pourquoi nous avons besoins d’outils analytiques bien plus puissants que ceux existants.
De plus, la compréhension globale de ce dont vos clients parlent est un objectif bien médiocre. Ce que veulent vos clients, c’est une expérience personnalisée, et ce à chacun des points où ils choisissent –ou non – d’interagir avec votre entreprise. L’objet des CRMs classiques est la relation client personnalisée, et les CRMs sociaux doivent suivre cette voie, et chercher à donner une vue exhaustive des interactions de chaque client.
A moins d’être capable de tenir une telle promesse particulièrement difficile, l’intégration des CRMs sociaux, sous l’angle technologique, est un non-sens. Que l’on parte d’une plateforme collaborative ou d’un CRM traditionnel, l’offre actuelle est un assemblage d’outils imparfaits pour un résultat bien moins que parfait.
D’un autre côté, le besoin – et la volonté – des entreprises de mieux comprendre les comportements sociaux de leurs clients grandissent rapidement, qu’il s’agisse de progresser vers une conduite plus sociale du business ou, plus fréquemment et plus prosaïquement, d’augmenter « classiquement » ses profits à travers le canal des médias sociaux. Bien que l’intégration du social dans le fonctionnement des entreprises soit encore très loin de nous, l’interaction avec les clients est une réalité à laquelle la plupart des services fait face, avec des objectifs différents, à travers des outils différents. Pour comprendre comment le social business peut apporter un meilleur business, les entreprises doivent pouvoir atteindre leurs clients, elles doivent sentir comment ceux-ci veulent à présent mieux faire ce qu’ils ont à faire avec l’aide des produits et services qu’ils achètent. Le CRM social possède ce pouvoir, et, aussi flou le concept soit-il encore, sont intégration dans le business a le potentiel de transformer le fonctionnement des la plupart des entreprises.
Tout à fait d’accord avec toi. Quelques ajouts :
• L’intégration concerne à la fois la dimension outil et la dimension opérationnelle comme tu le fais justement remarquer, ce qui est trop souvent négligé. Elle concerne également les réflexes et comportements personnels et là il y a du pain sur la planche. Qui parle de politique RH et de sens ?
• L’analytics sera décisif. Non seulement dans le sens que tu évoques mais simplement pour rapprocher personnes et informations. C’est une sorte de BI appliquée à l’information de tous les jours pour les collaborateurs. C’est d’ailleurs le lien indispensable à mettre en place entre les outils métier (souvent quanti) et l’UGC dans l’entreprise (mettre la solution à un clic du problème).
• Quant aux plateformes je n’ai qu’un mot : qu’elles nous épargnent leur lourdeur, le look&feel et l’expérience quasi systématiquement pénibles pour ne proposer que des services qu’on utilisera pour créer une couche sociale dans tout le SI. Les applications sociales seront mainstream le jour où on ne les verra plus…
Merci pour ces ajouts Bertrand.
Oui, l’intégration concerne aussi, au-delà de la dimension opérationnelle, la structure même du travail. Peut-on d’ailleurs parler encore à ce sujet d’intégration ? C’est une dimension qui remet en cause l’ensemble des relations interpersonnelles et la façon dont elles se sont codifiées en entreprise. Il s’agit presque d’une dés-intégration du statu quo actuel qui a relégué les RH à des tâches essentiellement utilitaires…
“Rapprocher personnes et informations” c’est même là à mon avis le coeur de tout ce que l’on appelle *social*. Les réseaux permettent l’échange de savoir entre les personnes, mais, en-dehors de la capture du contexte, ce même savoir est inutilisable en-dehors des personnes qui l’ont échangé en premier lieu.
Ca serait interressant de faire une analyse sur l’organisation social dans Star Trek…