À Jean-Paul II succède Benoît XVI. Il est dommage que les papes ne s’expliquent jamais sur le choix de leur prénom, et que les spéculations de leurs nombreux exégètes restent pure spéculation. Jean-Paul s’était-il baptisé ainsi sous le signe du voyage (Saint Paul) et de la rigueur (Saint Jean) ? Ou de celui de l’amour (Saint Jean) et de la souffrance (Saint Paul) ? Verra-t-on un jour un Pierre-Mathieu ?
Car même si le précédent pape avait la seconde version en tête, c’est sous la première qu’on se souviendra de lui. Et, au-delà, sous celle d’un pape… politique.
Quelles que soient ses croyances, il faut reconnaître à Jean-paul II son rôle de catalyseur à l’égard des mouvements réformateurs en Europe de l’est, à une époque où la foi galvanisait les aspirations politiques; mais il est difficile d’oublier le défenseur du dogme, que ce soit en matière de sexualité, ou, tout simplement, d’humanité. Mais le monde a changé; les attentats du 11 septembre ont changé la donne. S’ils ont, aux États-Unis, resserrés la population autour de valeurs traditonnelles, ils ont semés en Europe une méfiance croissante autour de la politique traditionnelle. L’ère de l’ouverture, de la croyance en une mondialisation bénéfique, œuvrant pour le bienfait des peuples, était soudain révolue. Et les valeurs qui ont dorénavant vu le jour restent encore à concrétiser. Des valeurs plus humaines, plus dépendantes des hommes que de leurs dirigeants, plus ancrées dans leur quotidien que dans les discours des politiciens. À cet égard, j’ai le sentiment intime que le refus actuel d’adhésion à la Constitution européenne en France relève davantage de cette défiance envers le discours politique que de toute autre considération.
Dans ce contexte, j’ai bien peur que le dernier Conclave n’ait loupé le coche, en élisant un homme aux positions dogmatiques si éloignées des nouvelles aspirations des peuples européeens. La rigueur et le traditionnalisme dont il a jusqu’à présent fait preuve en tant que cardinal sont de mauvaise augure, tant les aspirations des hommes se sont soudainement, en Europe du moins, par le biais du crash de deux avions, éloignées de celles des hommes politiques. S’il est un pape dont le monde a besoin, il doit être le chantre de la réconciliation, de l’œcuménisme et de l’ouverture aux autres, non celui de la rigidité, de l’incompréhension de la réalité humaine, ni de l’exclusion. Depuis le 11 septembre, la politique a changé de sens, et est redevenue ce qu’elle était à l’origine en Grèce antique, l’affaire de tous et de chacun, une préoccupation humaine du quotidien. Espérons qu’il en soit de même de l’Église telle que la conçoit Benoit XVI…
Je profite d’être le premier à commenter votre blog pour reprendre une contribution ancienne su trois points :
– Benoît XVI s’est expliqué sur le choix de son prénom ; c’est même la première chose qu’il ait faite (en latin, si c’est ça qui vous a gêné) en rendant un hommage appuyé à Benoît XV ;
– il a placé son pontificat sous la protection de celui qui a connu la première guerre mondiale — vision prophétique, pour le pape de la guerre contre le terrorisme ;
– rien de surprenant, pour qui connaît personnellement un homme doux, profond et sans doute le plus compréhensif des candidats. Quand on lui parle de morale, il ne répond pas oui avec indiférence : il voit plus loin et explique, propose mieux.
Votre journal est profond, exigeant, douloureux quand on sait que vous êtes chômeur : la lecture de cet homme vous touchera. Je ne dis pas ça par prosélytisme, je dis ça parce que vous avez sans doute des traits de caractère commun.