Bien que le temps soit une dimension critique dans toutes les entreprises, celui-ci est curieusement absent de la plupart des discussions autour de l’Entreprise 2.0. Le temps nécessaire à son adoption est un sujet que nous résoudrons sans doute de manière empirique, au fur et à mesure que des cas concrets seront rendus publics. N’en espérez cependant pas trop au-delà d’ « échouez vite et souvent », ainsi que l’a écrit Dion Hinchcliffe, l’adoption ne pouvant guère être mesuré qu’au cas par cas, chaque cas étant unique. Mais au-delà, les échelles de temps opérationnelles manquent cruellement au débat.
Une question de processus. Vraiment ?
Réduire le temps passé dans l’exécution de chaînes de tâches compliquées, voila l’un des objectifs principaux des processus sophistiqués qui gèrent nos entreprises. (La reproductibilité et l’industrialisation de la production étant l’autre). Pour réussir à améliorer la productivité et l’efficacité, ils nous évitent d’avoir à « réinventer la roue » en minimisant le nombre, et la complexité, des décisions qui doivent prendre place le long de la chaîne.
Des technologies récentes, telles que SAP’s Gravity or Thingamy suggèrent que le BPM peut être amélioré efficacement à travers la collaboration, ce qui ouvre une voie nouvelle à l’Entreprise 2.0 (je ne discuterai pas ici ma position personnelle sur le fossé existant entre l’entreprise collaborative et l’entreprise régie par des processus). Mais, bien que considéré sous l’angle de la collaboration intégrée aux flux de travail, cette approche ne tient pas compte du facteur temps : combien de temps faut-il pour améliorer un processus de manière collaborative ? Jusqu’à quel point ce « combien de temps » est-il acceptable ? A quel moment le fruit d’un travail collaboratif est-il suffisamment satisfaisant pour être considéré comme un résultat ?
Penser l’Entreprise 2.0 en termes de processus ne nous libère pas de la lacune majeure de tous les schémas d’Entreprise 2.0 à ce jour : prendre des décisions est une des tâches principales en entreprise. Ceci prend du temps, et nous manquons de méthodes permettant de comprendre, améliorer et quantifier les échelles de temps d’une prise de décision collaborative.
La complexité en action
Les processus ont aidé à structurer les entreprises compliquées, imposantes, de l’ère industrielle, mais ne peuvent appréhender la complexité de notre économie hyperliée. L’industrialisation a atteint un point de bascule au-delà duquel les canaux traditionnels de productivité doivent être repensés. Bien entendu, admettre que les entreprises soient des systèmes complexes adaptatifs nous confronte à des défis nouveaux, parfois vertigineux, mais apporte également un éclairage important sur les questions relatives au temps.
Les systèmes complexes adaptatifs (SCA) sont auto-similaires et imbriqués, ce qui signifie que communautés et équipes sont elles-même des SCA, et que leur échelle de temps est indépendante de l’échelle globale (du processus, de l’entreprise…).
Les SCA sont, eh bien, adaptatifs, ce qui implique qu’il est impossible d’y définir une échelle de temps absolue. Appliqué à l’opérationnel, le temps dépend des facteurs initiaux, l’application de règles ou d’un cadre temporel fixe au travail collaboratif semble hors de propos. Les cadres temporels dépendent de l’environnement dans lequel ils sont mesurés.
Les SCA sont non-linéaires, ce qui rend obsolète toute tentative de mesurer le temps et de l’utiliser en tant que variable d’un processus de manière “traditionnelle”. Des affirmations telles que “vous avez deux jours pour arriver à un consensus et trouver une solution” n’ont plus aucun sens. Au contraire, plusieurs états temporels, plusieurs processus de réflexion, peuvent cohabiter au sein d’une initiative collaborative.
Des processus en temps relatif
Nous devons désormais penser différemment. Les théories quantiques et complexes nous permettent d’envisager le temps, non plus comme un mécanisme uni-directionnel, mais statistique. Alors que nous ne pouvons pas quantifier le temps nécessaire à une prise de décision, nous ppouvons mesurer le pourcentage d’adoption consensuelle d’une décision collaborative. Apposer des seuils de déclenchement à ces pourcentages permettrait d’enchaîner la tâche ou le processus suivant, sans pour autant compromettre la performance globale de l’entreprise.
Au lieu de dépendre de règles rigides basée sur les tâches, et afin d’être capables de répondre aux défis que les échelles de temps opérationnel posent aujourd’hui à l’Entreprise 2.0, j’imagine volontiers l’émergence de nouveaux processus, basé sur un temps relatif, permettant de tirer profit du pouvoir réel des communautés et des équipes. J’espère que vous donnrez ici votre avis sur ce problème crucial.