Favoriser et faciliter la conversation signifie effacer les frontières. A l’interne, cela implique de laisser le savoir circuler librement à travers les silos organisationnels, repenser le travail en fonction de schémas plus efficaces, davantage centrés sur l’humain. A l’externe, il s’agit de construire de nouvelles relations avec les clients pour mieux les aider dans leur vie quotidienne, leur offrir un meilleur service et apprendre de ces interactions.
Bien sûr, je simplifie à outrance le périmètre et la complexité des domaines de l’Entreprise 2.0 et du Social CRM, afin de faire un constat simple et évident : dissoudre les barrières internes (y compris avec leurs partenaires) et externes (entre l’entreprise et ses clients) ne constituera pas une évolution durable à moins d’être considéré comme une étape vers des changements plus radicaux. Le modèle bipolaire traditionnel (industriel) entreprise-consommateurs doit également évoluer pour s’adapter à notre environnement hyper-connecté. Mais où cela nous mène-t-il ?
Eviter la décomposition
Malheureusement, la plupart des discussions autour de l’Enterprise 2.0 ne font qu’effleurer la surface des conséquences sur le business d’une évolution vers des écosystèmes connectés. Socialiser les processus business laisse en grande partie inchangés les aspects opérationnels et la nature fondamentale des organisations. La résolution collaborative de problèmes, tout comme le social learning appliqué à la formation-dans-le-travail, ne sont souvent rien de plus qu’une quête pour l’’efficacité au sein du paradigme actuel.
Dans les grandes entreprises, la principale (sinon unique) raison d’exister de nombreuses fonctions, voire de services entiers, est de “faire marcher le reste ensemble”, en assurant une intégration verticale cohérente, en reliant les silos entre eux, en minimisant les frictions internes. La généralisation de comportements véritablement collaboratifs rendra à un certain point inutile leur maintien. Cependant, l’efficacité ne relève pas de l’autopoïèse. D’un autre côté, plus les entreprises seront amenées à entrer en contact avec leurs clients en de multiples endroits, plus nombreux seront les services internes impliqués dans cette démarche, services qui ne parlent pour autant pas toujours le même langage. Ainsi, les détaillants n’auront pas la même approche que les grossistes, qui seront eux-mêmes contredits par le service clients…
Les penseurs de l’Entreprise 2.0 mettent un accent important sur le leadership, sur le rôle important des leaders dans l’implication des employés. Les leaders ont bien entendu les talents nécessaires pour fournir en énergie le moteur collaboratif. Mais combien de leaders une entreprise homogène peut-elle se permettre ? Mener les hommes requiert une quelconque vision, et il y a de grandes chances que la coexistence de plusieurs leaders, voire une certaine forme de leadership distribué, débouche sur plus de chaos que de convergence. Dans notre monde complexe et multi-relationnel, le maintien d’une voix corporate unique n’est plus envisageable. Pour dissoudre les silos internes en évitant de se décomposer, les entreprises devront expérimenter de nouveaux modèles organisationnels.
Les marques en tant qu’attracteurs étranges
A l’autre extrémité du spectre, les clients discutent ensemble, se rassemblent en communautés, ils sont désireux d’améliorer leurs conditions de vie, ils sont prêts à suggérer des améliorations aux produits et services qu’ils achètent.. Mais ils n’ont que faire de l’organisation hiérarchique d’une entreprise, de sa culture, ou de.. argh ses processus. Ils achètent des propositions faites au nom des marques. Quiconque est en contact quelconque avec un client doit se montrer à la hauteur des attentes générées par ces marques, partageant un ensemble défini de valeurs, apportant un niveau, et une nature, définis de service.
Les marques sont essentiellement considérées comme des intermédiaires entre les entreprises et leurs clients. Elles véhiculent de l’information, factuelle autant qu’émotionnelle, sur les produits, renforçant à la fois la confiance des consommateurs dans leurs choix d’achat (à travers l’information accumulée dans l’historique de la marque) et leur amour propre (à travers les échanges symboliques cristallisés autour des valeurs et de la personnalité de la marque). Cette approche linéaire (information contre émotion) nous a menés vers des entreprises masquant leurs mécanismes et leur structure interne derrière les marques. Ceci correspond tout à fait au modèle traditionnel de valeur-dans-la-transaction, mais est incompatible avec la notion d’écosystème connecté, où entreprises et clients patagent un nombre de plus en plus grand de points de contact.
Plutôt que de jouer le rôle d’amplificateurs de transaction, à l’ère des organisations connectées, les marques doivent être considérées comme les attracteurs étranges des systèmes complexes formés par les entreprises, leurs partenaires et les consommateurs.
La clef d’un modèle plus durable
Une part de plus en plus importante de la valeur associée à une marque vient de l’interaction entre entreprise et clients. Soit directement, chacun forgeant la personnalité de la marque en y transférant des valeurs émotionnelles et un sentiment généré (dans le cas de communautés de marques), soit indirectement, accumulée tout au long du voyage d’usage des produits et services de cette marque.
Toutes ces interactions sont l’expression des forces à l’œuvre entre les individus durant l’ensemble du cycle de vie de la marque: mécanismes internes à l’entreprise, relations proches des clients, communautés, service client, influence, open innovation, crowdsourcing… où la marque elle-même n’existe plus en tant qu’intermédiaire, mais en tant que symbole représentatif.
Les clients et les marketeurs sont habitués à de tells transferts de valeur, la valeur d’attentes, par exemple, est directement liée à la valeur propre de la marque. Mais les entreprises elles-mêmes devraient se pencher davantage sur les marques et ce qu’elles représentent, car elles leur offrent un nouveau modèle pour assurer et renforcer la cohésion de l’entreprise collaborative. Imaginons un instant des entités ou des services spécialisés organisés en réseau, réunis autour des valeurs portées par les marques et directement reliés aux clients. Ce modèle, qui fonctionne déjà pour des entreprises telles que Zappos, pourrait bien constituer une un modèle alternatif, plus durable, à nos organisations actuelles, si rigides et figées.
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