« Est appelé social software (ou logiciel social ou logiciel relationnel) tout système logiciel facilitant la communication de groupe, la construction et la solidification de liens sociaux, le travail collaboratif, le jeu à plusieurs, la création collective, organisés autour des outils de l’Interne ». Cette définition, tirée de Wikipedia, et reprise par Andrew McAfee dans sa définition de l’Entreprise 2.0 en 2006, résume parfaitement la plupart des approches « sociales » actuelles. Ou plutôt des idées fausses, devrais-je dire… « facilite », vraiment ?
La littérature sur l’innovation est pleine de controverses entre l’invention basée sur la technologie ou sur les clients, mais très peu de preuves existent démontrant la prééminence de la technologie dans l’émergence de nouveaux comportements. Comme Steven Shapin l’a écrit :
La tendance à exagérer l’impact de l’innovation technologique provient d’une vision illusoire de l’histoire [traduction libre de l’original en anglais]
L’usage transforme la technologie, et lui donne son sens et son utilité. L’Entreprise 2.0 ne fait pas exception à la règle ; les wikis, par exemple, existent depuis plus de 15 ans, et certaines entreprises ont mis en place une structure réellement collaborative, adaptative et orientée client sans l’aide d’une quelconque technologie 2.0 ou sociale.
Attention, arguments commerciaux
… les collègues se rassemblent pour travailler ensemble sur les problèmes, saisir les opportunités, et faire surgir les résultats importants. Ils partagent facilement ce qu’ils apprennent et font en temps réel, pour continuer à alimenter le foyer de l’innovation [traduction libre de l’original en anglais]
Cette superbe phrase provient du site internet de Jive Software. Je n’ai rien contre Jive, je pense au contraire qu’ils développent l’une des plateformes les plus innovantes et intéressantes de sa classe. Mais cette phrase est typique d’un discours mêlant indistinctement des concepts comportementaux importants avec du blabla marketing, typique d’une tendance clamant que l’innovation provient de la technologie.
Les exemples abondent. BlueKiwi vous permet d’ « engager la conversation avec vos influenceurs », alors que l’influence est une notion si vague et imprécise que personne n’est à même de définir précisément ce qu’est un influenceur. Lotus Connections d’IBM appelle Communautés ce qui devrait en fait être appelé Groupes, contribuant à brouiller davantage les pistes sur ce qu’est la collaboration en entreprise. Microsoft Sharepoint 2010 traite de confiance lorsqu’il « fournit un accès fiable [trusted access] à la bonne information à la bonne personne au bon moment ». Et je pourrais continuer indéfiniment…
Une collision inévitable
La technologie évolue rapidement. Très rapidement. Transformer l’entreprise pour qu’elle devienne sociale prend beaucoup de temps, du temps passé à convaincre, à accompagner, à changer l’état d’esprit de gens qui ne se font la plupart du temps pas confiance, comme je l’ai écrit dans mon dernier billet, pour faciliter les interactions et construire des relations basées sur la confiance. Le rythme rapide de l’innovation technologique ne laisse pas suffisamment de temps aux vendeurs pour aligner les solutions qu’ils proposent avec les vrais problèmes organisationnels. En continuant à considérer que l’émergence de nouveaux comportements est facilitée avant tout par la technologie, on se dirige tout droit vers une collision entre les promesses des vendeurs et les besoins réels des entreprises. Aujourd’hui, alors que les vendeurs IT et les DSI tiennent le discours dominant, il n’y a plus de place pour les pilots, le changement culturel et l’incertitude de résultat dans le discours dominant sur l’Entreprise 2.0…
Arrêtons de penser (et de dire) que la technologie facilite les comportements collaboratifs et propices à l’innovation, et concentrons-nous plutôt sur le fait qu’elle peut au mieux les appuyer.
L’intégration dans les hiérarchies et les systèmes existants, l’adhésion spontanée des clients et la socialisation du business-as-usual sont des écrans de fumée, qui cachent à la fois la difficulté à faire émerger de nouvelles manière de gérer l’entreprise et la richesse des ressources de l’esprit humain. Nous n’avons pas besoin de plateformes plus sociales, nous avons besoin d’entreprises plus humaines.