J’ai eu hier une de mes nombreuses intéressantes conversations avec Luis Suarez sur Twitter, pendant le chat en ligne organisé par CMSWire sur le social business. Le sujet en était, vous l’auriez deviné, les principaux défis rencontrés en aidant les entreprises à adopter un état d’esprit propice à la collaboration.
La transparence est, bien sûr, un élément clef, mais instaurer la transparence dans une entreprise non seulement constitue un réel défi, mais, si elle n’est pas nourrie par le contexte adéquat, peut également se révéler être plus dangereuse que profitable en soi. Imaginez simplement comment, dans l’état actuel des choses, un employé pourrait se comporter lorsque, au nom de la transparence, il est mis au courant de sujets hautement stratégiques… Quelle réponse l’entreprise peut-elle apporter à ce qu’elle pourrait considérer comme un risque majeur ? La première option, évidente, est de limiter la transparence et de mettre en place une gouvernance stricte autour de la manière dont l’information circule en interne. C’est l’option choisie aujourd’hui par la plupart des entreprises, essayant de favoriser la collaboration par endroits, tout en conservant un état d’esprit commande-et-contrôle.
Une autre option consiste à éduquer les employés, à les aider à comprendre ce qui doit rester entre les murs de l’entreprise, et ce qui peut être partagé en public. La plupart des initiatives de social business couronnées de succès, ou promettant de l’être, ont choisi cette option, mettant en place des politiques des médias sociaux en interne comme en externe, limitant le périmètre du savoir non partagé, essayant de faciliter la coexistence des réseaux collaboratifs et des structures hiérarchiques clef. Regardez par exemple la manière dont BASF nourrit avec succès ses communautés internes. Malgré tout, ces entreprises vont être, d’une manière ou d’une autre, confrontées à un mur du son social.
En-dehors de l’entreprise, notre vie est en grande partie constituée de batailles. Hommes et femmes se battent avec un environnement économique difficile dans lequel, pour de plus en plus d’entre eux, chaque mois qui passe représente une petite victoire. Les états se battent avec un niveau vertigineux de dette qui empêche le mise en place de toute politique durable. Nous nous battons avec le voisin, qui nous fait une queue de poisson sur la route, qui nous bouscule pour être le premier à entrer. Nous nous battons avec l’administration, souvent sourde et muette face à nos demandes et nos besoins. Dans un monde où bien-être devient de plus en plus synonyme de comportement individualiste, voire guerrier, la transparence est un concept bien trop opaque pour avoir une chance de succès dans nos entreprises.
La transparence est en fait l’élément visible d’une série de poupées russes. L’instaurer ne se décrète pas, mais demande que nous sachions restaurer à l’intérieur de l’entreprise une confiance mutuelle et réciproque, ce qui, à son tour, requiert que nous instillions de la passion dans le travail, la passion générant la confiance. Mais mettre en route un tel cercle vertueux est un défi plus qu’ardu dans un monde où la solidarité de classe a disparu, et où les employés sont de plus en plus démotivés. Il n’y a pas de remède absolu à cette maladie industrielle, mais, afin d’éviter au social business de rester bloqué au stade de promesse, et de restaurer la confiance, les entreprises doivent commencer à se rendre compte de leur part de responsabilité dans l’état actuel des relations humaines. En fait, la plupart des obstacles rencontrés dans un environnement de travail ne sont que le reflet, et le catalyseur, d’une condition bien plus universelle. Progresser davantage sur le chemin qui mène à l’entreprise collaborative signifie effectuer une transmutation du leadership vers le fellowship, et réconcilier le social business avec sa définition originelle.