Notre monde change. Vite. Radicalement. Pour suivre ce rythme, ou simplement pour éviter la rupture, les entreprises doivent évoluer. Les Trente Glorieuses, ces années qui ont incarné l’Age d’Or de la production de masse et de la consommation standardisée, sont définitivement derrière nous, laissant place à ce que Nilofer Merchant appelle l’Ere Sociale, un âge tant d’hyper-connectivité que d’extrême individualisme, caractérisé par la versatilité des marchés et par l’incertitude des comportements des consommateurs. Dans ce contexte, évoluer n’est plus un choix.
En réalité, l’évolution a toujours été là, à l’intérieur comme à l’extérieur des entreprises. Pourtant, beaucoup de tentatives pour la nourrir ce sont révélées être des impasses. Des principes organisationnels innovants, tels que le Lean ou le système de management par la qualité (TQM), ont été détournés de leur focus initial autour du client (faire mieux pour mieux servir le client) pour renforcer les lacunes bureaucratiques et mécanistes des entreprises Tayloristes. Pourquoi ?
Une de nos plus grandes erreurs pourrait être d’avoir considéré les trois grands pôles de cette évolution, les individus, la technologie et l’entreprise, comme des facteurs séparés liés par une chaîne de causalité. Nous avons affirmé, et cru, que des technologies nouvelles changeraient notre façon de gérer l’entreprise, ce qui à son tour changeraient nos clients, en créant d’avantage de demande. Ou, de la même manière, que de nouveaux principes d’organisation modifieraient la performance des travailleurs, performance qui réclamerait pour être mieux gérée de nouvelles technologies. Et ainsi de suite. Mais ce qui fonctionne dans un monde mécaniste ne s’applique plus à un monde complexe. Les causes et les conséquences sont brouillées, et l’évolution est le résultats de beaucoup d’interdépendances non-linéaires qui ne peuvent être isolées. Transformer un des termes de l’équation n’assure pas sa propagation au reste des composants, et bien des innovations organisationnelles n’ont pas fourni les résultats escomptés, s’engouffrant dans une causalité trompeuse. Du point de vue de la complexité, la transformation est une co-évolution, qui se produit à travers les connexions existantes entre les divers systèmes. L’entreprise Tayloriste s’est avérée un èchec, et s’est elle-même rendue incapable d’évoluer, non par manque de volonté, mais parce qu’elle a perdu le contact avec la créativité des employés et avec les attentes des clients. Les entreprises doivent se reconnecter avec leurs clients, et revenir à la définition donnée au business par Peter Drucker: «il n’y a qu’une seule définition valide de l’objet du business: créer un client».
Malheureusement, il semble souvent que nous n’apprenions pas du passé. L’Enterprise 2.0 a été initialement définie comme la transformation du business à travers l’usage des technologies. Pour IBM, «social» signifie «changer la manière dont les individus se connectent et dont les entreprises réussissent», tandis qu’Oracle affirme que les médias sociaux transforment les entreprises et la façon dont elles interagissent avec les clients. Le credo actuel en ce que «le social déclenche et amplifie le changement» ressemble tellement à une nouvelle illusion de causalité. Dans un monde en co-évolution, le changement est mené par l’influence, et par l’adéquation des entreprises à l’écosystème global. En d’autres termes, celles-ci devraient se concentrer sur leur propre transformation par elle-même pour rester dans la course de la mutation globale du business. Comme l’a si bien dit Gandi: «Si nous pouvions nous changer nous-mêmes, les tendances du monde changeraient également».