Commençons par un petit questionnaire : Quel est l’élément le plus crucial de votre entreprise / organisation ? Quel aspect de votre entreprise / organisation est difficilement prévisible, évolue rapidement, est peu fiable, hyper-connecté ? La réponse à ces deux questions est : votre client. Rendez-vous à l’évidence, la manière dont le web social est en train de transformer le monde du consommateur à la vitesse de la lumière va avoir un profond impact sur tous les aspects de notre manière de gérer les affaires.
Pour s’adapter à ce nouvel univers, il convient de comprendre que le capital le plus précieux d’une entreprise n’est plus les produits ou les services qu’elle crée, fabrique, produit, vend, mais ses clients, et la manière dont ils veulent, achètent et promeuvent ces mêmes produits. Ceci n’est pas neuf, direz-vous, alors qu’un siècle ou presque de consumérisme a habitué les entreprises à considérer la vente comme leur activité la plus fondamentale. Ce qui les a également habituées a ignorer tout un monde d’activités potentiellement profitables, impliquant fidélisation, ambassadeurs, recommandations, scénarios d’usage et expérience utilisateur. Le problème est que ce monde est aujourd’hui dominant, et qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Paradoxalement, ignorer le changement en cours revient à donner au consommateur le contrôle absolu des marques, ce qui pourrait bien s’avérer fatal pour beaucoup d’entreprises.
Bien que cela représente un pas dans la bonne direction, l’adoption en interne des outils qui donnent sa force au web social n’épargnera pas aux entreprises un changement radical dans leur fonctionnement. Devenir une Entreprise 2.0 dans le but d’accroitre son efficacité est un leurre, tant que la collaboration n’est pas conçue en direction de, et avec, le client.
Les marques doivent devenir sociales, pas les marque génériques
Malgré tout, comme je l’écrivais récemment, toutes les entreprises n’ont pas vocation à devenir sociales. Impliquer vos clients nécessite… qu’ils le veuillent. L’ère de la consommation de masse a créé une multitude de marques dont la raison d’être s’appuie sur deux objectifs : capturer des parts de marchés en perpétuelle expansion, et créer de nouveaux besoins à satisfaire. Il suffit aujourd’hui d’entrer dans n’importe quel magasin pour découvrir au moins une demi-douzaine de produits dans chaque catégorie, produits en compétition les uns avec les autres, et qui ne se différencient souvent qu’à travers le prix et les promesses marketing. Les consommateurs ne veulent pas discuter de tout ce qu’ils achètent. Ils veulent être partie prenante de produits et de services qui les aident à vivre une meilleure expérience dans leurs activités conscientes et choisies, dans celles qui sont pour eux porteuses de sens. Ce qui signifie que « le reste », des catégories entières de produits et de service, sont considérées comme des produits et services de base, à moins qu’ils ne soient à même d’offrir une expérience nouvelle. Dans cette logique, la plupart des marques ne sont juste que des repères mentaux servant à reconnaître qui est le moins cher, le plus facile à déballer, etc. Pour celles-ci, devenir « social » signifie juste améliorer leur service de relations consommateur (ce qui représente déjà un pas énorme). Les marques génériques n’ont pas besoin de devenir « sociales », elles ne sont même pas sensées l’être.
Il n’est pas innocent que les industries du tourisme et du voyage, qui fonctionnent dans une logique orientée service, ont déjà entrepris une telle mutation depuis plus d’une douzaine d’années ; la demande les a aidées à segmenter leur marché dans deux directions opposées, un service haut de gamme personnalisé et des produits de masse standardisés. La seule différence, fondamentale, avec l’évolution « sociale » actuelle est le fait que les clients poussent la barre plus haut encore. Non seulement ils veulent être écoutés par les marques, mais veulent partager leur savoir, afin de co-créer avec eux les meilleurs (selon eux, mais ne sont-ce pas eux qui importent le plus ?) produits et services.
Au-delà de la valeur d’usage, la valeur d’attentes
Le branding traditionnel se concentre sur la perception des marques et sur l’alignement de cette perception avec les produits et services reels, se focalisant ainsi sur l’acte d’achat, tandis qu’une logique orientée service voudrait qu’il se concentre sur la valeur d’usage, celle générée tout au long du cycle de vie d’utilisation d’un produit ou service. Malheureusement, l’une comme l’autre approche laisse de côté l’essentiel des interactions avec le client se déroulant avant qu’une transaction se déroule. Les attentes du client pourraient être considérées comme faisant partie de l’expérience utilisateur globale, mais il serait bien plus utile d’isoler cette « valeur d’attentes » pour tenter de mieux comprendre la frontière floue existant entre marque et marque générique, du point de vue du client.
Wim Rampen (@wimrampen) a signalé l’autre jour à mon intention une recherche très intéressante sur les Echelles de référence de la qualité de service et de la satisfaction perçue dans les restaurants. Un des résultats marquants des études menées montre que la zone de tolérance correspondant au niveau de service jugé acceptable / souhaitable par les clients est plus étroite lorsque le restaurant est brandé, tandis que les clients ne se sentant pas impliqués sont bien plus à même de réagir. Considérez les implications marketing de cette recherche :
- Les clients sont en attente d’une niveau précis de service, ce que j’appelle la Valeur d’attentes. Bien qu’elle soit prédéfinie par les promesses de la marque et les recommandations entre pairs, cette valeur est fixée par les clients potentiels, et une responsabilité nouvelle du branding consiste à aligner le niveau de service délivré avec les attentes des clients. La valeur d’attentes est le nouveau capital de marque.
- Les clients n’attendent pas nécessairement plus d’une marque. Mais ils s’attendent à ce qu’une marque leur offre un service équivalent à leurs attentes. La vérité importe plus que les promesses.
- Rien ne sert d’améliorer votre service si cela ne correspond pas à l’attente des clients, ils se désimpliqueraient de la marque. La valeur d’attentes ne peut être créée que conjointement par les marques et les clients. Ce qui veut également dire que l’engagement d’une marque à travers les médias sociaux reste inutile tant que cela ne fait pas partie de l’expérience utilisateur attendue. Les faits l’emportent sur la conversation.
La valeur d’attentes est ce qui relie le mieux les clients et les marques. La valeur d’usage est ce qui les maintient ensemble.
Je ne comprends pas comment on peut mettre les clients avant le produit ou le service. Sans produit, pas de client… Sans produit qui délivre une expérience qui le vaille, pas de participations des clients.
Oui, le produit est important. Mais ce que tu appelles “une expérience qui le vaille” est avant tout une réponse à un besoin (ou une envie, mais là on touche d’autres notions).
Un client ne cherche généralement pas à acheter un produit, mais à satisfaire un besoin (la fameuse histoire de la perceuse et du trou…). Au pire, il s’agit d’un besoin d’appartenance ou d’estime, selon les catégories de Maslow, qui se concrétise à travers la consommation.
Un produit qui ne rencontre pas un besoin, ce que les Anglo-Saxons appellent “customer’s job”, est voué à disparaître, regarde le cas Google Wave. La prééminence du produit sur le besoin est une vision héritée de l’ère industrielle.