Alors que les expériences autour des outils communautaires et des réseaux sociaux se multiplient en entreprise, que les marques comment à comprendre ce que « interagir avec le consommateur » signifie réellement, une part non négligeable des affaires, B2B comme B2C, se recentre autour des individus, et les Médias Sociaux commencent à permettre une meilleure interaction entre employés et consommateurs, ouvrant la route à une réelle entreprise E2B (employés vers business), tel qu’illustré sur la Figure 1.
L’organisation et le fonctionnement interne d’une Entreprise 2.0 digne de ce nom restent à définir (à titre d’exemple d’organisation, lire ce très intéressant billet de Si Alhir, the Purposeful Enterprise). Celle-ci suivra-t-elle l’évolution du Web Social, telle que décrite par Jeremiah Owyang sur son blog ? Rien n’est moins sûr. Aujourd’hui, le meilleur des deux mondes continue à vivre dans deux sphères distinctes, séparées par un firewall. Au-delà de son rôle sécuritaire, ou à cause de ce rôle, le firewall agit comme une barrière empêchant quasi-totalement l’information de circuler en-dehors de l’entreprise. Un fonctionnement qui n’est, comme nous allons voir, pas durable, et de profonds changements vont s’opérer au cours des prochaines années. Le futur du firewall, tout autant que le futur des entreprises elles-mêmes, sera sans doute conditionné par la réponse à cette simple question : l’entreprise 2.0 et le web social vont-ils converger, ou diverger ?
Convergence – vers la disparition du firewall
La figure 2 illustre comment serait organisées les affaires pour une entreprise qui choisirait de renforcer ses process actuels par des mécanismes de « collaboration intelligente ». A un moment ou à un autre, chaque employé deviendrait partie prenante de l’écosystème de l’entreprise (clients, fournisseurs, autres entreprises,…), que ce soit à travers ses propres réseaux sociaux, relayant les valeurs et la culture de l’entreprise pour laquelle il travaille, ou à travers les communautés internes auxquelles il appartient. Pour peu que les entreprises fournissent des chartes d’utilisation des médias sociaux intelligentes, ce scénario conduirait à terme à la disparition progressive du firewall tel que nous le connaissons, et à une circulation fluide de l’information à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise.
Scénario idéaliste ? Peut-être. Le fait est que de nombreux changements culturels doivent se produire dans l’univers corporate, soit dans l’organisation des entreprises elles-mêmes, soit en autorisant une utilisation « libre » d’outils qui n’ont pas encore trouvé leur vraie place à l’intérieur de l’entreprise. Tout ceci pourrait au contraire nous orienter vers un scénario tout à fait différent :
Divergence – mur de l’Atlantique… ou ligne Maginot ?
Il serait tentant pour les entreprises de conserver leurs communautés à l’abri derrière le firewall, en partant du fait que les buts poursuivis et les mécanismes mis en place diffèrent en grande partie de ceux qui président au Web Social, et en faisant perdurer les actuels paradigmes : un univers d’entreprises gérées par les process et de consommateurs gérés par affinités. Je vois deux problèmes majeurs à cette solution :
- Jour après jour, le Web Social devient plus mobile, portable même, et prétendre empêcher l’information de circuler librement vers l’extérieur des entreprises est utopique. Même dans le plus fermé des environnements, il suffira à un employé d’allumer son téléphone portable pour échanger des données hors de tout contrôle
- Les natifs de la génération Y entreront bientôt en force dans le monde du travail. Hors de l’entreprise, ils sont largement connectés, immergés en permanence dans le Web Social. A l’intérieur, ils devront, comme les générations permanentes, apprendre de nouveaux usages et se conformer à des process, mais ne se couperont pas de leurs connexions avec leurs pairs. Aujourd’hui, le temps passé au travail sur les réseaux sociaux n’est que de 30 minutes par jour, mais ce temps ira en augmentant au fur et à mesure de l’arrivée des jeunes sur le marché du travail.
En résultat, les firewalls n’auront aucun effet sur le désir des employés de partager leur temps de travail entre le temps consacré à l’entreprise et celui consacré à leurs propres activités en ligne, d’où un terrible impact négatif sur la production. Travailler deviendrait in fine un choix, et les employés prendraient le contrôle de leur emploi du temps. Dans ce cas, les entreprises feraient mieux de se préparer à devenir TRES attractives pour empêcher leurs employés de partir ailleurs et la productivité de disparaître.
L’Entreprise 2.0 n’est encore que dans sa première enfance, et ces deux scénarios, qui transformeront le monde du travail dans un sens ou dans l’autre, sont plausibles. Convergence ou divergence, quel est votre opinion?
Deux petites réflexions en passant pour suivre ta logique
– un des soucis est qu’être “social” est l’essence du web et en aucun cas celle de l’entreprise. Ce qui est naturel sur l’un est contre nature dans l’autre.
– un moyen d’essayer de changer cela est de repenser l’entreprise différemment afin de passer dans un paradigme d’ouverture. Pour cela je te conseille de regarder ceci : http://www.lunchoverip.com/2008/05/the-value-chain.html . Repenser la chaine de valeur peut faire prendre conscience de nombreuses choses.
Bertrand,
je suis d’accord avec toi sur le fait qu'”entreprise sociale” est pour le moins un oxymoron!
Merci pour le lien, la réinvention de la chaîne de valeur deviendra vite nécessaire. C’est d’ailleurs l’ensemble du système qualité de l’entrprise qui nécessite d’être repensé. Les process patiemment mis en place depuis une quinzaine d’années, et les certifications qui s’y rattachent (CMMI, ISO, AFAQ… ) doivent, pour commencer, prendre en compte la notion de communauté. ET ce n’est pas un mince travail…