Mis à part le tonnerre médiatique qu’il a provoqué, le lancement récent de la tablette d’Apple nous apprend beaucoup de choses sur le design, l’innovation et le marketing à l’ère du Web en temps réel.
De leur demandez pas ce qu’ils veulent, demandez-vous ce qu’ils font
Dans un article récent, Roberto Vergana suggérait que lorsqu’il créait de nouveaux produits, Apple proposait essentiellement une vision, restant à l’écart des séances de groupes de discussion et de l’innovation orientée utilisateur. Mais est-ce vraiment le cas ? Dans un passé pas si lointain, Henry Ford avait déclaré que « si je demandais à mes clients ce qu’ils voulaient, ils répondraient un cheval plus rapide », mais cette phrase correspondait à une époque de consommation de masse, où l’adhésion à une innovation capitale était essentiellement l’affaire d’un marketing à sens unique.
Depuis cette époque, les marketeurs ont appris à écouter les consommateurs, à travers groupes de discussion et panels, au fur et à mesure que nous évoluions vers une époque où leur principal souci était de construire sur l’existant, et que nous nous appuyions sur une innovation incrémentale pour gagner (et conserver) des avantages compétitifs. Les opportunités actuelles d’interagir directement et instantanément avec les consommateurs à travers les médias sociaux ne constituent guère autre chose que le moyen d’arriver plus rapidement aux mêmes objectifs, alors qu’elles devraient nous servir à bien plus que de recueillir des avis, à savoir à échanger du savoir.
J’ai eu de nombreuses fois l’occasion de voir des produits être lancer et s’avérer être des échecs retentissants, personne ne les achetant alors que les avis de pré-lancement étaient unanimement « j’adore ». Le marketing relève du savoir, non des vœux pieux. Le savoir de ce que les gens font, non de ce qu’ils veulent. Et c’est exactement ce que fait Apple avec ses produits. Tout le monde veut des téléphones et des ordinateurs avec batterie interchangeable, mais combien changent RELLEMENT une batterie ? Beaucoup se plaignent du manque d’appareil photo ou de gestion multitâche de l’iPad, mais qui auraient utilisé ces fonctionnalités, en dehors des geeks ? Les produits Apple sont disruptifs, non parce qu’ils répondent aux souhaits des gens, mais parce qu’ils donnent une dimension nouvelle à ce que les gens utilisent.
Le tout vaut plus que la somme des parties
Cette dimension est en général plus culturelle que technologique. Apple ne s’est pratiquement jamais soucié d’introduire des technologies de pointe dans ses produits. Ils n’ont jamais utilisé la carte graphique la plus rapide, la webcam la plus branchée ou l’appareil photo le plus puissant, et, lorsqu’ils le font (souvenez-vous du système de refroidissement par eau des G4), ils ont souvent échoué. Microsoft a sans doute développé la technologie multi touch la plus performante et innovante, mais qu’en ont-ils fait ? Une table, alors qu’Apple a introduit sa propre technologie dans une tablette. Les tables sont parfaites pour les halls d’aéroport et l’animation des night-clubs, certainement, mais les tablettes sont faites pour être emmenées n’importe où. Apple se sert de ce que nous utilisons pour faire voler en éclats ce que nous désirons, créant des produits qui apportent et signifient bien plus qu’il ne serait possible à un simple agrégat de technologies.
Un marketing disruptif et émergent
Dans un monde où les marketeurs ont le devoir d’apprendre aux marques qu’elles ne survivront pas sans interagir avec leurs consommateurs à travers les médias sociaux, Apple est disruptif, non seulement dans ce qu’elle apprend de ses consommateurs, mais dans l’ensemble de son approche marketing. Bien qu’ils n’aient ni compte Twitter, ni page Facebook officielle, ils ont la base de fans la plus ardente qui soit. Et ils ne les traitent pas mieux que ça. Pas de cadeaux pour les blogueurs, pas de programmes d’ambassadeurs de marque, rien de rien. Je ne suis même pas sûr qu’ils décident de continuer à utiliser les canaux publicitaires traditionnels pour doper leurs ventes. Ils traitent de même leurs clients du pire qu’ils peuvent : prix prohibitifs, ruptures de stocks, support clientèle inégal… C’est du marketing au bord du chaos.
Une approche marketing qu’il est, bien sûr, impossible à généraliser. Mais dans notre monde complexe, non linéaire, les processus marketing traditionnels sont voués à devenir des impasses, et la stratégie si particulière d’Apple pour donner une dimension nouvelle à l’expérience utilisateur nous apprend une chose importante : notre monde globalement interconnecté en temps réel nous permet (voire peut-être nous impose) de trouver de nouvelles façons, créatives, émergentes, de designer et marketer nos produits. Le problème de la monétisation de Twitter, par exemple, tel que l’a récemment soulevé Venessa Miemis dans son blog, Emergent by Design, est l’exemple parfait des questions qui se posent à nous.
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