Adoption de l’Entreprise 2.0 : une perspective fractale

is enterprise 2.0 fractal?

Quelle que soit la définition et/ou le paradigme que nous tentons d’accoler à l’Entreprise 2.0, quel que soit le cadre dans lequel nous essayons de la faire entrer, lorsqu’il s’agit d’y convertir des services-clés de l’entreprise, l’un des principaux défis auxquels nous, praticiens, sommes confrontés chaque jour, est de trouver des motifs  et des routines adéquats, afin de favoriser le changement et de faciliter l’adoption de nouvelles pratiques par les employés.

La « conversion » d’un service marketing est souvent affaire de formation individuelle, d’accompagnement sur le chemin qui mène d «écouter» à «ajouter de la valeur à l’expérience de vos clients». Par contre, la mise en place d’outils de collaboration à grande échelle requiert une autre approche, jusqu’à présent celle-ci se résume en général à un mélange d’évangélisation et d’incitation virale. Mais la viralité est-elle réellement à la hauteur de ses promesses ?

Le revers de la viralité

Fondamentalement, la viralité repose sur deux conditions préalables: un terrain propice, qu’il s’agisse de la compréhension partagée des objectifs ou d’un sens aigu de l’esprit communautaire, et un programme d’adoption clairement défini. Si (et seulement si, souvenez-vous que la viralité ne se planifie pas, vous pouvez au mieux la favoriser) l’adoption « prend », la plupart des gens vont bâtir un comportement collaboratif en observant quelques early adopters et évangélistes, et s’y conformer, essentiellement par mimétisme. Paradoxalement, une opération virale réussie peut conduire à une utilisation des outils ou un comportement erroné.

Les early adopters et les évangélistes doivent être soigneusement choisis pour déclencher les bons comportements parmi la population cible. Hélas, les qualités nécessaires au bon fonctionnement communautaire ne sont généralement pas les mêmes que celles nécessaires au pilotage de l’adoption. De plus, le mimétisme a un effet aveuglant, et les gens ne seront généralement pas, avant le stade final de l’adoption, en mesure de discerner le comportement adéquat relatif à leur rôle, de celui induit, malgré eux, par les early adopters.

Ne nous trompons pas. Je ne dis pas que la viralité est inutile dans une démarche d’adoption d’Entreprise 2.0, mais dans un système clos tel que l’entreprise, la courbe ordinairement exponentielle de la viralité prendra la forme en S typique d’une courbe d’adoption de l’innovation ; les individus en mesure d’inciter les membres de la communauté à adopter un comportement différent et d’aligner leur rôle au sein de communautés avec les objectifs du business pourrait bien faire partie des adopteurs tardifs, laissant ainsi la majorité des utilisateurs dans l’ignorance de la valeur réelle de l’Entreprise 2.0.

Une perspective fractale

Les entreprises sont des systèmes complexes, dynamiques et non linéaires, et intégrer étroitement des outils sociaux dans de tels systèmes nécessite bien plus que de la viralité. L’alignement des pratiques collaboratives avec les objectifs business nécessite la mise en place de nouveaux « processus sociaux », propres à favoriser la prise de décision et l’émergence de consensus de manière non-déterministe. Qu’il s’agisse d’un pilote ou d’une initiative impliquant un service donné, les initiatives 2.0 réussissent généralement grâce à l’impulsion de quelques individus, une approche difficile à adapter à grande échelle. Parmi les facteurs à prendre alors en compte, citons la culture d’entreprise, les modèles organisationnels, les interactions existant à chaque stade de la chaîne de valeur, … ainsi que la nécessité de doter chacun de micro-processus valorisants.

De bien des points de vue, la structure d’une Entreprise 2.0 peut être utilement considérée comme une structure fractale: schémas d’interaction identifiables et évolutifs, état d’équilibre instable, production complexe et en partie imprévisibl. Dans cette perspective, comment les fractales peuvent-elles nous aider à faciliter l’adoption et à maximiser la valeur?

  • Les motifs fractaux sont indépendants de l’échelle. Plutôt que de compter sur des early adopters et des évangélistes, essayons d’impliquer les principaux acteurs (managers, facilitateurs, fonctions supports …) dès que possible, laissant les autres employés organiser et calquer leur comportement collaboratif en fonction de ces schémas préexistants. “Fixer des objectifs clairs» n’est rien d’autre que mettre en œuvre des schémas à l’efficacité prouvée dans le cadre d’initiatives 2.0.
  • Cette même invariance d’échelle pourrait aider à faire face à des difficultés inhérentes à  tout changement organisationnel. Une démarche d’adoption à l’Entreprise 2.0 ne consiste pas simplement à prendre ce qui marche à un certain niveau pour évangéliser des initiatives plus larges. Il s’agit d’implémenter avec succès ces mêmes réussites à différents niveaux.
  • A un niveau individuel, le besoin de micro-processus ou de routines sociales, se justifie par les effets d’invariance d’échelle. Chacun doit être en mesure d’avoir individuellement à sa disposition, à l’intérieur de communautés, les mêmes capacités et les rôles que le service auquel il appartient possède à l’intérieur de la chaîne de valeur de l’entreprise.
  • Les systèmes fractals ont également pour caractéristique l’existence d’attracteurs étranges, qui maintiennent l’équilibre global. De petits changements de paramètres peut rapidement conduire à un changement complet d’état. C’est là une analogie intéressante avec la gestion de communautés internes. Y faire naître le consensus nécessaire n’est pas un processus basé sur des rôles, mais plutôt sur des pratiques, ce qui influe positivement vers plus d’instabilité, donc plus d’innovation.

Considérer une démarche d’adoption vers l’ Entreprise 2.0 adoption du point de vue de l’étude des systèmes complexe nous fournit d’intéressantes observations sur le changement de culture nécessaire à entreprendre et pourrait nous fournir une feuille de route pour implémenter et généraliser avec succès des initiatives 2.0 tout en maximisant les avantages concurrentiels de l’entreprise.

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The Zen of Co-creation

Co-creation is to enterprise 2.0 what “mass customization” is to marketing 2.0: not the Holy Grail, since it is definitely not a delegation of responsibilities, but a breakthrough approach to enterprise governance. Think about it as a way to inject a company or brand’s ecosystem’s output inside their internal processes, resulting in a Moebius band like value chain, each iteration providing value by itself, independently of the process involved.

More than with any other 2.0 internal initiatives, setting up the scene for co-creation needs a cultural shift to happen; fostering the right behavior challenges a lot of corporate attitudes, focusing on continuous innovation and persistent interaction.

Co-creation is not about control, but about persistence of a vision

Co-creation is neither crowd sourcing, nor focus groups. Involving partners, suppliers or clients into co-creation, means that you will have to accept losing control on some of your assets to trigger innovation or improvement. On the other side, you will need to share a consistent vision of what you want to achieve and provide a clear framework to your goals. Do not change the rules of the game in the middle of the road; if you intend to reward the best contributions with money, tell it from the beginning. Since co-creation won’t fit into your existing business processes, you have to integrate its output into a larger sketch.

Expect the unexpected

Zen focuses on the gesture rather than on the goal. You will need to perfect your platform and the way you interact, without trying to drive the output of your initiative. True innovation is disruptive per nature; you won’t be able to seize it if you pave the way before proceeding. Embrace the unexpected as the best way to trigger new solutions to known problems.

Forget your strengths, expose your weaknesses

Fear of competitors is a fierce brake put on your co-creation efforts, as you are here to make up for your weaknesses. A co-creation platform is the less adequate place to pitch your competitive advantages. Humility is key.

You will get as much as you give

The more you give, the more you will get. This looks like obvious, but think about the need for dismiss control; how many businesses are today ready to publicly expose so-called “sensitive” data or jealously crafted processes? Procter & Gamble now famous Connect + Develop website is a perfect example of a successful open innovation platform which leverages reciprocity. Giving is not giving, anyway. As Marcel Mauss exposed in “The Gift”, exchange of goods always has a symbolic dimension which goes far beyond the simple act of freely giving up a property. While giving, the deep ownership of gifts remains property of the owner, and cannot be redeemed unless a counter-gift is made. The behavioral nature of exchanges without market is an inherent part of co-creation initiatives. You are not creating a marketplace, even if you reward the submissions; you are in fact creating a value process.

Avoid destruction

The nature of co-creation could easily lead to destruction of value, either by entering too deeply into the exchange process (internal destruction), or by ignoring creative inputs apparently too far away from your expectations. A consistent vision should avoid you the first possibility. Keep in mind that disruption is not destruction, but another angle to consider known assets. Always consider positively any input, no matter how destructive it might look at first glance; just consider it from a different angle.

Keep the shortest path from ear to mouth

As a last bit of advice, report as frequently as you can. Inform the whole company about your initiative progresses, as internal resources are also part of the co-creation process. Engage and inform your external stakeholders, as they are now part of your business processes.

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Le Zen de la co-création

La co-création est à l’Entreprise 2.0 ce que la “customisation de masse” est au marketing 2.0 : non le Saint Graal, puisque ce n’est en aucun cas une délégation der responsabilités, mais une approche remettant en cause la gouvernance de l’entreprise. Imaginez la production de l’écosystème d’une entreprise ou d’une marque réinjectée dans ses processus internes, pour obtenir une chaîne de valeur en forme d’anneau de Moebius, chaque itération produisant de la valeur intrinsèque, indépendamment du processus impliqué.

Davantage que pour toute autre initiative 2.0, mettre en place une démarche de co-création nécessite un véritable changement culturel : faire naître les comportements idoines challenge beaucoup d’attitudes internes, met l’accent sur l’innovation continue et une interaction soutenue.

Il ne s’agit pas de contrôle, mais de persistance d’une vision

La co-création n’est ni une forme de crowdsourcing, ni la formation de groupes d’intérêt. Impliquer des partenaires, des fournisseurs ou des clients dans une telle démarche implique que vous acceptiez de perdre le contrôle sur certains de vos acquis, pour y apporter de l’innovation ou de l’amélioration. D’un autre côté, il sera nécessaire d’exprimer une vision claire de ce que cherchez à obtenir, et donner un cadre consistant à vos objectifs. Ne changez pas les règles du jeu en cours de route ; si vous souhaitez récompenser pécuniairement les meilleures contributions, annoncez-le dès le départ. La co-création ne s’intégrant pas dans vos processus métiers existants, vous devrez intégrer ses résultats dans un cadre plus large.

Attendez-vous à l’inattendu

Le Zen est l’art de se concentrer sur le geste plutôt que sur l’objectif. Vous devrez perfectionner votre plateforme et votre manière d’interagir, sans essayer de manipuler les résultats de votre initiative. La véritable innovation est disruptive par nature, vous ne serez pas en mesure de la saisir si vous balisez votre route avant le départ. Considérez et acceptez l’inattendu en tant que meilleur moyen de donner de nouvelles solutions à de vieux problèmes.

Oubliez vos forces, exposez vos faiblesses

La peur des entreprises compétitrices est un frein majeur à tous vos efforts de co-création, puisque vous êtes ici pour compenser vos faiblesses. Une plateforme de co-création est le pire endroit où placer votre discours sur vos avantages compétitifs. L’humilité est de rigueur.

Vous obtiendrez ce que vous donnerez

Plus vous donnerez, plus vous obtiendrez. Cela semble évident, mais réfléchissez à la nécessité de renoncer à tout contrôler ; combiend ‘entreprises sont-elles aujourd’hui prêtes à exposer publiquement leurs soit-disant données « sensibles » ou leurs processus, jalousement optimisés ? Le célèbre site Connect + Develop de Procter & Gamble est le parfait exemple d’une plateforme d’innovation qui met en valeur la réciprocité. Ainsi que l’exposait Marcel Mauss dans « le Don », l’échange de biens possède toujours une valeur symbolique, bien au-delà du simple acte de renoncement à une propriété. Lors du don, la propriété profonde des objets ou valeurs échangées reste propriété du donneur, et ne peut être annulée tant qu’un cotnre-don n’est pas effectué. La nature comportementale des échanges sans marché est un aspect inhérent des initiatives de co-création. Vous ne créez pas une place de marché, même en rémunérant les idées soumises ; vous créez en fait un processus d’échange de valeurs.

Evitez la destruction

La nature de la co-création peut aisément mener à la destruction de valeur, soit en entrant trop profondément dans le processus d’échange (destruction interne), soit en ignorant les propositions créatives a priori trop éloignées de vos attentes. Une vision claire doit vous permettre d’éviter le premier cas. Conservez à l’esprit le fait que disruption n’est pas destruction, mais un autre angle sous lequel considérer des acquis connus. Considérez chaque proposition de manière positive, quelle que soit son apparence destructrice ; considérez-la simplement sous un autre angle.

Suivez le plus court chemin de l’oreille à la bouche

Dernier conseil, rapportez aussi souvent que vous le pouvez. Informez l’entreprise toute entière des progrès de votre initiative, les ressources internes font également partie du processus de co-création. Impliquez et informez vos partenaires externes, ils font maintenant partie intégrante de vos processus business.

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The 2.0 Siloed Enterprise Syndrome

silos

Who, in your company, is in charge of supporting your communities or social media efforts? The marketing department? Human resources department? Sales, customer relations, innovation? Dedicated off-processes community managers? If you answered marketing, chances are good that you are a brand trying to connect more deeply with your customers. If you answered Human Resources, you might be a Fortune100 company trying to leverage your workforce’s competencies through collaboration. Sales, you may be an internet pure player. Innovation, you sure are engaged into co-creation…

Delegating your social business experiments to the most involved departments is a good way to focus on successful outcome. Whether to set up a pilot or to develop a whole social media strategy, all key actors have to be actively committed. As more successes will pave your way, you will be able to measure the positive impact of communities on business, to adapt best practices to different departments, hopefully to evangelize a community-based approach and spread it through the whole company.  All of this sounds great (even still a bit utopist)… on paper, but in reality, you will soon be trapped into a 2.0 Siloed Enterprise.

Different department have a different approach to business, different organizational requirements, and present processes have an interesting impact: they rationalize a company’s relationship with the different parts of its ecosystem, no matter who is in charge of dealing with a particular stakeholder. In a typical Enterprise 2.0 organization, those stakeholders’ activity and point of view influence the company’s organization, leading to very different behaviors as appropriate.  Instead of nurturing an organic interactive system, communities would grow as disjoint entities.

gabrielThe other day, my friend Gabriel Rossi posted three great tweets about marketing and its pivotal role inside enterprise, which we often underestimate. Marketing is one of the key activities which may act as the internal ‘glue’ to help a community-based enterprise grow, if properly leveraged.  But one approach doesn’t fit all. Your company might be sales or R & D oriented, and this might have dyed its entire operation. Finding the missing link,  the department which has cross over influence on your whole organization, and involving it in every of yours social media efforts is a crucial step toward Enterprise 2.0. If the only one you can find is the mailroom, then your company might be in deep trouble in the forthcoming times…

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Le syndrome de l’entreprise en silos 2.0

Siloed 2.0 Enterprise Syndrom

Qui, dans votre entreprise, est en charge de porter vos communautés ou vos initiatives de médias sociaux ? Le département marketing ? Les ressources humaines ? Les ventes, les relations clients, les R & D ? Des community managers dédiés, recrutés hors organigramme ? Si vous avez répondu à cette question le marketing, il y a de bonnes chances pour que vous soyez une marque cherchant à interagir plus étroitement avec le consommateur. Si vous avez répondu le département ressources humaines, vous êtes peut-être une entreprise du CAC40 désireuse de faire monter vos collaborateurs en compétences grâce à la collaboration. Les ventes, vous pourriez être un acteur de l’internet. L’innovation, vous êtes sûrement en train de réfléchir à la co-création…

Déléguer vos expériences de socialisation du business au service le plus impliqué est une bonne manière d’en optimiser les résultats. Qu’il s’agisse de mettre en place un pilote ou de développer une stratégie de médias sociaux à grande échelle, l’ensemble des acteurs-clef doit être fortement impliqué. Au fur et à mesure des implémentations réussies, vous serez en mesure de mesurer leur impact sur les affaires, de capitaliser sur les meilleures pratiques au bénéfice d’autres services. Dans le meilleur des cas, vous serez ensuite capable de formaliser une nouvelle approche de l’entreprise, de l’évangéliser et de la répandre dans l’ensemble de votre organisation. Tout ceci semble idéal (si ce n’est légèrement utopique)… sur le papier, parce qu’en réalité, vous risquez fortement de vous retrouver piégé dans une entreprise constituée de silos 2.0.

Des services différents ont une approche différente de la conduite des affaires, des contraintes organisationnelles différentes, et les processus actuels ont un impact intéressant : ils rationalisent la relation de l’entreprise avec les différents acteurs de son écosystème, quel que soit l’acteur en charge des relations avec les parties prenantes. Dans l’organisation type d’une Enterprise 2.0, l’activité et le point de vue de ces parties prenantes influencent l’organisation de l’entreprise, induisant des comportements ad hoc. Au lieu de nourrir un système organique et interactif, les communautés en place se développeraient en tant qu’entités disjointes.

Gabriel RossiL’autre jour, mon ami Gabriel Rossi a posté trois tweets sur le marketing et sur son rôle-clef en entreprise, rôle que nous sous-estimons souvent. La marketing est une des activités fondamentales pouvant agir en tant que ‘liant’ interne, aidant une entreprise structurée autour de communautés à grandir, à condition qu’il soit suffisamment mis en valeur. Bien sûr, il n’y a pas de recette unique. Votre entreprise peut-être fortement orientée ventes ou R & D, ce qui peut avoir imprégné son fonctionnement dans son ensemble. Trouver le service qui communique avec l’ensemble de votre organisation, et l’impliquer dans toutes vos initiatives en termes de médias sociaux est une étape cruciale vers l’Enterprise 2.0. Si le seul service en mesure de jouer ce rôle est le service courrier, votre entreprise risque fort de se trouver en mauvaise posture durant les années à venir…

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