Le récit truqué du lieu de travail

workplace-narrativeLa technologie influence bien plus que notre façon de travailler. Elle change également en profondeur la notion de lieu de travail. Comme l’a écrit IBM en 2011 dans son livre blanc «Le nouveau lieu de travail: êtes-vous prêt ?»:

«Aujourd’hui, le lieu de travail est un environnement virtuel et/ou physique, caractérisé par les connexions, la collaboration et le choix de l’utilisateur, qui permet au travailleur d’être plus agile et d’accomplir des tâches n’importe où, n’importe quand -donc au final de créer plus de valeur pour l’entreprise».

La collaboration, intermédiée par les technologies sociales, est sur l’agenda de tous les PDGs, ou du moins devrait l’être. Une palette de plus en plus étendue d’outils de communication synchrone et asynchrone, disponible sur à peu près toutes les plateformes et les terminaux imaginables, permet aux travailleurs d’accéder aux ressources et au savoir où qu’ils se trouvent, éliminant la nécessité de conserver un lieu de travail physique unifié. La technologie elle-même se fait nomade, ubiquiste, omniprésente et financièrement accessible, en d’autres termes se consumérise. Plus encore, la tendance grandissante du BYOD (bring your own device – apportez vos propres outils) entraîne l’inscription de plus en plus étroite de la technologie au sein de nos comportements sociaux les plus anodins. Pourtant, «business as usual» est toujours la règle en vigueur pour la plupart des entreprises, et celles-ci semblent imperméables aux changements qui sont en train de transformer notre vie de tous les jours.

Passer du discours aux actes… Oui, mais quel discours ?

Les entreprises d’aujourd’hui, structurées autour des processus, largement automatisées et éminemment bureaucratiques, sont le résultat d’une évolution commencée pendant la révolution industrielle du dix-neuvième siècle. Mais cette évolution ne s’est pas faite toute seule. Les entreprises ont été façonnées ainsi par énaction, à travers le discours et les actes de générations de dirigeants, à travers les théories et les principes enseignés pendant des dizaines d’années dans les business schools, avec l’aide des grands cabinets de conseil, enracinant l’idée Tayloriste de l’entreprise en tant que machine, au sein de laquelle les individus sont moins considérés comme des ressources que comme des variables d’ajustement des coûts. La manière dont le travail se fait réellement, le royaume des processus gris et de la collaboration ad hoc, ont progressivement été ensevelis sous une vision conceptuelle de la manière dont le travail devrait se faire.

Ce à quoi nous assistons en fait aujourd’hui est la substitution progressive d’un récit par un autre, promouvant haut et clair l’avènement d’une entreprise sociale mue par la technologie. Mais la notion de lieu de travail diffus est-elle finalement plus proche de la réalité ? Dans un article intitulé de manière provocante «Je pourrais être mort depuis quinze jours et mon patron ne s’en rendrait pas compte»: rhétorique et réalité de la flexibilité, le Dr. Andrea Whittle a montré a quel point le télétravail peut être loin de ce que décrivent les éditeurs de logiciels. Isolement, difficultés à équilibrer vie professionnelle et vie privée, manque de réelle collaboration, sont des réalités rencontrées par la plupart des employés. Cependant, tout comme la réalité du travail dans l’univers corporate «traditionnel», la réalité que recouvre l’entreprise distribuée est cachée, effacée du discours dominant. Les éditeurs de solutions collaboratives d’aujourd’hui ont remplacé les cabinets de conseil en stratégie d’hier dans la construction du récit du lieur de travail.

Des connexions aux noeuds

La collaboration d’équipes virtuelles est uun élément central de ce nouveau discours. Socialcast, par exemple, promet «une meilleure façon de collaborer» de cette manière (je traduis):

«améliorez le travail en équipe grâce au pouvoir du réseau social d’entreprise. Vous pouvez aussi ajouter des partenaires, clients et fournisseurs de confiance en toute sécurité. Avec Socialcast, partagez de l’information, assignez des tâches, et collaborez sur des documents, en gardant synchro tous les membres de l’équipe».

De même, pour Jive:

«le business dépend du travail en équipe. Mais les outils traditionnels freinent tout autant qu’ils n’aident, ce qui  aboutit à du temps perdu, des efforts redondants et des opportunités manquées. Le temps est avalé par l’email et les réunions improductives. De grandes idées sont perdues dans les boîtes aux lettres et les outils fonctionnant en silo. Des informations essentielles sont noyées dans le bruit. Tout cela n’est pas inéluctable».

Cet accent mis sur le travail en équipe n’a rien de neuf. Il s’agit, en fait, de l’implémentation sur le lieu de travail des théories formulées en 1933 par Elton Mayo, un sociologiste industriel, pour qui l’appartenance à un groupe améliore les performances d’un employé, et il est plutôt paradoxal de voir que l’un des arguments-clefs employés par les éditeurs de technologies sociales est un concept qui a trouvé son importance et sa justification dans le modèle Tayloriste des organisations.

Les vrais réseaux collaboratifs n’ont pas tant à voir avec les équipes qu’avec les individus, comme l’ont montré  B. Nardi, S. Whittaker and H. Schwartz. Les bénéfices réels de la collaboration pour les entreprises connectées ne viennent pas d’équipes, mais de l’acquisition personnelle de savoir, de la possibilité individuelle de se connecter à la bonne personne et d’accéder à la bonne information au bon moment. L’unité de base des technologies collaborative est la gestion individuelle du savoir, et non l’espace de travail collaboratif.

Une étude récente a démontré que «plus les télé-travailleurs communiquent avec leurs mangers et leurs collègues, au moyen d’email, de messagerie instantanée, de vidéo-conférence et de communication face-à-face, plus ils se sentent stressés par les interruptions». Sur le lieu de travail virtuel, le haut niveau de communication interactive associé avec le travail en équipe se révèle contreproductif et source de stress. De plus, l’obsession à maintenir le lien à travers la communication a pour résultat un plus faible sentiment d’appartenance à l’entreprise. Les réseaux sont faits de connexions, bine sûr, mais ils surtout faits de noeuds, et ces noeuds sont des êtres humains. Comme l’exprime la dernière édition de la Global CEO Study d’IBM, «Leading through connections»:

«en encourageant les employés à agir en fonction de leurs propres idées, les dirigeants construisent le sens de la responsabilité, de l’initiative et de la loyauté des employés. Et en équipant les employés pour leur permettre de travailler dans un environnement ouvert, ils donnent des armes à ceux qui représentent leur marque face au monde».

Mais au lieu d’apporter leur support aux travailleurs individuels, les entreprises, comme l’ont montré Nardi, Whittaker and Schwartz, reportent sur eux la responsabilité du travail supplémentaire nécessaire pour que le lieu de travail virtuel puisse fonctionner correctement, et dissimulent la réalité de ce travail derrière le récit émergent du lieu de travail. Passer de la bureaucratie à la réseaucratie nécessitera que chacun soit autorisé à construire son propre récit de la façon dont se fait le travail. Au lieu de mettre en avant le changement culturel nécessaire pour que les entreprises se transforment en social businesses, nous devrions nous consacrer à libérer et aider sur le lieur de travail le changement qui y est déjà autant à l’oeuvre que dans nos vies personnelles, et à redéfinir les entreprises autour de ce changement.

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Innovation, Complexity and Social Business – Part 2

Reconciling Organizational Improvement and Reinvention Through Social Business Design

This post is the second of a two-parts article on innovation and social business co-written with Ralph-Christian Ohr (@ralph_ohr).

A striking change of focus in the social business arena occurred during the last five years. Despite the fact that Andrew McAfee’s original definition specified its scope as «within companies, or between companies and their partners or customers», infant Enterprise 2.0 was mainly concerned by internal collaboration. The teaser from one of the major events of this early period, the Boston 2007 Enterprise 2.0 Conference, talked about “(…) the technologies and business practices that liberate the workforce from the constraints of legacy communication and productivity tools like email“.

This somehow navel-gazing vision of firms, obsessed by internal processes and employees’ performance, has shifted toward a customer-centric attitude. Apart from acknowledging that organizations more and more see the benefits, if not the imperative, to operate as connected ecosystems, including partners, suppliers, customers, and even competitors, in their value creation mechanisms, this profound change mirrors the evolution of our understanding of the way business is done in our hyper-connected era. Yet, putting such a strong emphasis on customers, on their needs and expectations, is at risk of obscuring the role played by other stakeholders. Creating, and sustaining, customers requires more than broadening our traditional array of interaction channels. It requires more than engagement, more than co-creating products and services with them. As developed in the first part of this post, businesses need to develop the ability to reinvent themselves. In order to be able to address unmet and changing customers’ needs, they are required to adjust value creation through new business models.

On the external facing side, social business is proving day after day its relevance in better meeting the new challenges of marketing. On the internal side, beyond present focus on collaborative project management and observable work, it provides an appealing and natural framework to support the flip side of the coin of organizational core functions: innovation.

The marketing view: visualizing and reducing the dynamic tension

Business, social or not, is all about creating, delivering and capturing value, or, in short, about a business model. In “The Business Model Innovation Factory“, Saul Kaplan perfectly summarizes how these points articulate themselves together:

Business models are designed to create value for a customer or end-user.

(…) One of my favorite ways to describe how a business model creates value is by first answering the question, what is the job the customer is hiring your company, product, or service, to do?

(…) An operating model depicts core capabilities necessary to deliver value and how they are linked to each other. It enables a shared story of how an organization works together across functions and with its partners to deliver value.

(…) A business model story describes who pays and how much for value delivered. It outlines a profit formula for the business based on the required operating cost structure in relation to revenue as well as the capital requirements to finance both fixed assets a working capital to support ongoing operations and growth.”

In other words, value is co-created by enterprise and its customers, in the sense that “Value co-creation is bringing in your own contextual resource to achieve the beneficial outcomes with the firm at the point of consumption/experience (remember, we are still talking about value-in-use?)”

In our hyper-connected world, where customers are interacting, trying to find the best solution to fulfill their job-to-be-done, the search for value (their search, as well as the one from companies) creates a dynamic tension between both parts, as motivations between them and companies profoundly differ. Visualizing and reducing this tension requires new skills and capabilities. As Irving Wladawsky-Berger writes: “Customer value is different.  This requires a complementary set of management competencies, much softer or people-oriented in nature, including a focus on human capital, strategy, decision making, innovation and social skills.” This also requires a new operational and managerial model, focusing on engagement with customers, listening, real-time interaction, and fast sense-and-respond loops. Fundamentally, this requires to organize, behave and operate as a social business.

Dion Hinchcliffe recently drew (conceptually as well as literally, and his drawings are always impressive) a map of the Operations of a Social Business. The only flaw we can see in this map is the point of view he drew it from: the engagement level. Bringing social business to strategic level doesn’t require C-level adhesion to the necessity of engagement or to the benefits of co-production of products and services, but maybe simply changing the lens of our vision: the primary benefit from a social business is to allow companies to dynamically adjust their value proposition to customers’ needs and expectations. To put it simply, social business is a perfect fit for present business models improvement.

The innovation view: leveraging new business skills

As important as improving an existing business model can be, the real challenge, and opportunity, for organizations lies in their ability to explore and develop new business models, as we exposed in the first part of this post. In a follow-up to its Global CEO Study 2008, entitled “Seizing the Advantage“, IBM has identified three key characteristics demonstrated by successful business model innovators: they are all Aligned, Analytical and Adaptable.

 

By becoming social, organizations will acquire the necessary structure and capabilities to be able to maximize each of the “Three A’s”:

  • Aligned – Leverage core capabilities and enforce consistency across all dimensions of the business model, both internally and externally, that build customer value.

As said above, one of the key consequences of becoming social is allowing proper adaptive alignment between customers’ needs and organizations’ value proposition, and facilitates the exploration of novel propositions and business model hypotheses.

  • Adaptable – Link innovative leadership with the ability to effect change and create operating model flexibility. Outperforming innovators are capable of and willing to pursue new opportunities while maintaining focus on sustaining current business -often referred to as ambidextry.

There is quite a consensus on the role leaders should play in a collaborative enterprise. They should work at empowering their employees and at giving them enough autonomy and support, what Vineet Nayar, vice chairman and CEO of HCL Technologies Ltd and author of “Employees First, Customers Second”, resumed it as “CEOs, Get Out of the Way!”. But as seducing as this anthem sounds, it only works where no business model innovation is required, or at least where minor tweaks suffice, letting line managers adjusting according to internal/external interactions. A better role for leaders is the one of “business architect” (and we suspect Mr Nayar in reality to assume this role), dynamically orchestrating the required sets of resources. As Stephan H. Haeckel wrote:

” Designing a business as an adaptive system of roles and accountabilities makes it possible to change business models much more rapidly. Those parts of an enterprise that can and should be designed for efficiency can be dispatched as easily as can the capabilities designed for adaptiveness. This is because roles are linked in terms of outcomes, not in terms of the way in which the outcomes are achieved. How a given role should be designed depends on the degree of predictability in the requests made of it and is a decision to be made by the accountable individual occupying that role. Because a business architect need not specify how things are to be done, he or she can incorporate roles that vary widely in terms of their internal processes and even management systems. This feature makes the incorporation of external capabilities a natural part of any business design.”

  • Analytical – Use information strategically to create foresight, and prioritize actions while measuring and tracking for rapid course correction.

In Harold Jarche‘s words: “in trusted networks, openness enables transparency, which in turn fosters a diversity of ideas. Supporting the creation of social networks can increase knowledge-sharing which can lead to more innovation, especially in networks built on trust.” Knowledge sharing, capture of tacit knowledge, recombination of existing knowledge to create new patterns, are at the core of social collaboration. A study conducted in 2011 by Institute for the Future for Apollo Research Institute identified ten critical work skills needed in the next ten years. Among them, sense-making (described as “ability to determine the deeper meaning or significance of what is being expressed”), computational thinking (the “ability to translate vast amounts of data into abstract concepts and to understand data-based reasoning”) and cognitive load management (the “ability to discriminate and filter information for importance, and to understand how to maximize cognitive functioning using a variety of tools and techniques”) directly deal with analytical capabilities in a networked organization.

The systemic view: a structural framework for business model innovation

Set alone, these “Three A’s” are necessary, but not sufficient characteristics to drive successful outcomes. As we outlined, business model innovation requires embracing emergent strategies while following an adaptive path to keep on adjusting present models, all of which equating to dealing with a wicked problem.

In “What’s the problem? An Introduction to Problem Structuring Methods“, Jonathan Rosenhead has exposed some principles to be applied when tackling wicked problems, principles which were summarized by Tom Ritchey as follows:

  • Accommodate multiple alternative perspectives rather than prescribe single solutions
  • Function through group interaction and iteration rather than back office calculations
  • Generate ownership of the problem formulation through transparency
  • Facilitate a graphical (visual) representation for the systematic, group exploration of a 
solution space
  • Focus on relationships between discrete alternatives rather than continuous variables
  • Concentrate on possibility rather than probability

A culture of diversitytransparency through narration of work, and complex interaction throughout an organization’s ecosystem are core characteristics of a social business. By reconciling the marketing with the innovation view of the collaborative enterprise, organizations will arm themselves with all the capabilities needed to increase value co-creation. By organizing for flexibility, subsidiarity and connectedness, they will become able to internally orchestrate these capabilities in order to reinvented themselves as needed. As Dave Gray stated: “Design for connection is design for companies that are made out of people. It’s design for complexity, for productivity, and for longevity.”

As highlighted in IBM’s study (see diagram below), organizations must combine organizational improvement (exploitation of existing business model) and reinvention (exploration of new business models) to adapt to different paces of change in their environment. To do so, they have to integrate and balance the marketing and the innovation views in a more systemic and emergent approach to corporate strategy.

 

Social businesses are designed for business model innovation. They are Moneygram online complex adaptive systems designed for auto-(re)organization and resilience, and form a structural framework for innovation, at all levels. But they are only part of the story. To gain real business model agility, organizations must cultivate a culture of experimentation, favoring decision-making through fast prototyping and testing. Present, and next generation technology focuses on the marketing view: Social CRM, Adaptive Case Management and big data analytical tools are about to complete the set of social technologies available today. Tomorrow’s breakthrough enterprise-grade technologies might well be complex decision-making support tools, and Problem Structuring Methods implementation, to help organizations in better tackling the wicked problem of business model innovation and reinvention.

Read first part.

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Innovation, complexité et social business – Seconde partie

Réconcilier l’amélioration et la réinvention organisationnelle à travers le social business

Ce billet est le second d’un article en deux parties co-écrit avec Ralph-Christian Ohr (@ralph_ohr) et cross-posté depuis collaborativeinnovation.org.

Le concept de social business a profondément évolué au cours de ces cinq dernières années. Bien qu’Andrew McAfee, dans sa définition originale, ait spécifié son périmètre comme relevant de «l’intérieur des entreprises, ou entre les entreprises et leurs partenaires ou clients», l’Entreprise 2.0 balbutiante s’est essentiellement consacrée à la collaboration interne. L’accroche d’un des grands événements de cette période, la conférence Enterprise 2.0 de Boston, mentionnait «(…) les technologies et pratiques qui libèrent les travailleurs des contraintes des outils de communication et de productivité désuets tels que l’email».

Cette attitude plutôt nombriliste, obsédée par les processus internes et la performance des employés, a cédé la place à une vision centrée sur les clients de l’entreprise. Au-delà de la reconnaissance du fait que les entreprises voient de plus en plus les bénéfices (voire l’impératif) de construire leurs mécanismes de création de valeur au sein de leur écosystème, en incluant leurs partenaires, fournisseurs, clients, et même leurs compétiteurs, ce changement profond reflète l’évolution de notre compréhension de la manière dont fonctionne l’entreprise dans un monde hyper-connectée. Néanmoins, mettre un tel accent sur le client, sur ses besoins et attentes, a pour effet de minimiser le rôle joué par les autres parties prenantes. Créer- et conserver – un client requiert plus que l’ajout de nouveaux canaux à l’arsenal traditionnel. Cela requiert plus que de l’engagement, plus que de co-produire avec eux des produits et des services. Comme nous l’avons exposé dans la première partie de ce billet, les entreprises doivent développer la capacité de se réinventer, être capables de répondre aux besoins non satisfaits des clients en développant de nouveaux business modèles.

Côté externe, le social business prouve de plus en plus sa pertinence lorsqu’il s’agit de relever les nouveaux défis qui se posent au marketing. Côté interne, au-delà de l’intérêt actuel pour la gestion collaborative de projet et pour la transparence du travail (observable work), il offre un cadre naturel et attractif pour supporter l’autre fonction vitale de l’entreprise: l’innovation.

La vision marketing: visualiser et réduire la tension dynamique

Le business, social ou non, consiste à créer, à délivrer et à capturer de la valeur, ou, pour faire court, consiste en un business modèle. Dans «The Business Model Innovation Factory», Saul Kaplan résume parfaitement comment ces points s’articulent entre eux:

«Les business modèles sont dessinés pour créer de la valeur pour un client ou un utilisateur final.

(…) L’une de mes façons favorites de décrire comment un business modèle crée de la valeur est de commencer par répondre à la question: quel est le problème que le client cherche à résoudre en empruntant votre entreprise, votre produit ou service?

(…) Un modèle opérationnel dépeint les capacités fondamentales requises pour délivrer de la valeur, et la manière dont elles sont reliées entre elles. Cela permet de créer une narration partagée de la manière dont l’organisation fonctionne, à travers ses diverses fonctions et avec ses partenaires, pour délivrer de la valeur.

(…) Le narratif d’un business modèle décrit qui paye et combien pour la valeur délivrée. Il esquisse les grandes lignes d’une formule de profit basée sur la structure des coûts requis en relation avec le revenu, ainsi que le capital nécessaire au financement à la fois des actifs fixes et du fonds de roulement, afin de subvenir aux opérations et à la croissance».

En d’autres termes, la valeur est co-créée par l’entreprise et ses clients, dans le sens où «la co-création de valeur consiste à apporter votre propre contexte de ressources pour réaliser avec l’entreprise un résultat profitable au point de consommation/d’expérience (rappelez-vous, nous parlons toujours de valeur-dans-l’usage)».

Dans notre monde hyper-connecté, où les clients interagissent, s’efforçant de trouver la meilleure solution pour leur problème-à-résoudre, la recherche de valeur (la leur tout autant que celle des entreprises) crée une tension dynamique entre les deux parties, car les motivations de chacun diffèrent profondément. Nous avons besoins de nouvelles compétences et de nouveaux talents pour visualiser et réduire cette tension. Comme l’écrit Irving Wladawsky-Berger: «la valeur pour le client est différente. Cela nécessite un ensemble complémentaire de compétences managériales, de nature plus soft ou plus orientée vers l’humain, incluant un focus sur le capital humain, la stratégie, la prise de décision, l’innovation et des talents sociaux». Un nouveau modèle opérationnel et managérial est également nécessaire, un modèle concentré autour de l’engagement avec les clients, de l’écoute, de l’interaction en temps réel, et de la mise en place boucles de détection-réaction rapides. Fondamentalement, cela nécessite de s’organiser, de se comporter et de fonctionner en tant qu’un social business.

Dion Hinchcliffe a récemment dessiné (conceptuellement et littéralement, ses dessins étant toujours impressionnants) une carte des Opérations d’un Social Business. Le seul défaut que je puisse voir à cette carte est le point de vue qu’il a pris pour la dessiner: il s’est placé au niveau de l’engagement. Démontrer l’aspect stratégique du social business n’exige pas de convaincre la direction générale de la nécessité de l’engagement ou des bénéfices de la co-production de biens et de services, mais sans doute simplement de changer notre angle de vue: le premier et principal bénéfice d’un social business est de permettre aux entreprises d’ajuster dynamiquement leur proposition de valeur aux besoins et aux attentes de leurs clients. En d’autres termes, le social business est la structure idéale pour améliorer son business modèle.

La vision innovation: développer des compétences nouvelles

Quelle que soit l’importance accordée à l’optimisation d’un business modèle, le véritable défi, et la réelle opportunité, pour les entreprises se situe dans leur capacité à explorer et développer de nouveaux business modèles, comme nous avons pu le voir dans la première partie de ce billet. Dans une séquelle à l’étude Global CEO Study 2008, intitulée «Seizing the Advantage» (saisir l’opportunité), IBM a identifié trois caractéristiques clefs communes aux innovateurs qui réussissent: ils sont Alignés, Analytiques et Adaptables.

En devenant sociales, les organisations se doteront de la structure et des capacités nécessaires à l’optimisation des «Trois A»:

  • Aligné – Valoriser les capacité fondamentales et renforcer la cohérence à travers toutes les dimensions d’un business modèle qui construisent de la valeur pour le client, tant en interne qu’en externe.

Comme nous venons de le voir, une des conséquences majeures de devenir «social» est de permettre un alignement agile entre les besoins des clients et la proposition de valeur de l’entreprise, et de faciliter l’exploration de propositions inédites.

  • Adaptable – Relier un leadership innovant avec la capacité à mener à bien le changement et à créer de la flexibilité dans le modèle opérationnel. Les innovateurs sur-performants sont capables -et désireux- de poursuivre des opportunités nouvelles tout en restant concentrés sur l’exercice du business modèle actuel – ce qu’on appelle être ambidextre.

Il y a quasiment un consensus sur le rôle que devraient jouer les leaders dans une entreprise collaborative. Ils devraient renforcer l’autonomie de leurs employés tout en leur apportant suffisamment de support, ce que Vineet Nayar, vice chairman et CEO de HCL Technologies Ltd et auteur de «Employees First, Customers Second» (les employés en premier, les clients en second) a résumé en «CEOs, Get Out of the Way» (PDG, retirez-vous du chemin). Mais, aussi séduisant ce gimmick puisse paraître, il ne fonctionne que lorsqu’aucune innovation en terme de business modèle n’est nécessaire, ou du moins lorsque de petits ajustements sont suffisants, et que l’on puisse laisser aux managers de terrain le soin d’ajuster en fonction des interactions internes/externes. Il existe un bien meilleur rôle à jouer pour les leaders est celui de «business architecte» (et je suspecte Mr Nayar de jouer en réalité ce rôle), celui d’orchestrer les ressources indispensables de manière dynamique. Comme l’écrit Stephan H. Haeckel:

«Dessiner une entreprise en tant que système adaptatif de rôles et de responsabilités permet de changer plus rapidement de business modèle. Les parties de l’entreprise qui peuvent et doivent être conçues pour l’efficacité peuvent être réparties aussi facilement que peuvent l’être les capacités conçues pour l’adaptativité. Ceci devient possible parce que les rôles sont reliés en fonction des résultats, et non en fonction de la manière dont ces résultats sont obtenus. La manière dont un rôle doit être conçu dépend du degré de prédictabilité dans les demandes qui lui sont adressées, ceci étant une décision devant être prise par les individus qui occupent ce rôle. Parce qu’un business architecte n’est pas obligé de spécifier comment les choses doivent être faites, il -ou elle- peut inclure des rôles très différents en termes de processus internes, et même en termes de systèmes de management. Ceci rend l’inclusion de capacités externes tout à fait naturelle».

  • Analytique – Utiliser l’information de manière stratégique afin de mieux prévoir et de prioriser les actions à prendre, tout en mesurant et observant à fins de corriger rapidement la trajectoire

Pour citer Harold Jarche: «dans des réseaux de confiance, l’ouverture permet la transparence, qui à son tour engendre une diversité d’idées. Favoriser la création de réseaux sociaux peut augmenter le partage d’idées, ce qui peut amener à davantage d’innovation, spécialement au sein des réseaux bâtis sur la confiance». La partage du savoir, la capture du savoir tacite, la recombinaison du savoir existant pour créer de nouveaux motifs, sont au coeur de la collaboration sociale». Une étude conduite en 2011 par l’Institute for the Future pour le compte de l’Apollo Research Institute a identifié dix compétences critiques à maîtriser dans les dix prochaines années. Parmi elles, la création de sens (décrite comme la «capacité à déterminer le sens profond ou la signification de ce qui est exprimé»), la pensée quantitative (la «capacité à traduire de vastes quantités de données en des concepts abstraits et de comprendre le raisonnement basé sur les données»), et la gestion de la charge cognitive (la «capacité à sélectionner et filtrer l’information selon son importance, et à comprendre comment optimiser les fonctions cognitives au moyen d’outils et de techniques divers») sont directement liées à des compétences analytiques dans une entreprise connectée.

La vision systémique: un cadre structurel pour l’innovation en matière de business modèle

A eux seuls, ces «trois A» sont des caractéristiques nécessaires, mais non suffisantes, à l’obtention de résultats tangibles. Comme nous l’avons décrit, l’innovation en matière de business modèle requiert d’adopter une stratégie émergente, tout en suivant une démarche adaptative pour continuer à ajuster le modèle en cours, ce qui s’apparente à un problème irréductible.

DansWhat’s the problem? An Introduction to Problem Structuring Methods, Jonathan Rosenhead a exposé quelques principes à appliquer lorsque l’on se trouve en face de tels problèmes, principes qui ont été résumé ainsi par Tom Ritchey:

  • Prendre en compte de multiples perspectives alternatives plutôt que de prescrire des solutions uniques
  • Avancer à travers l’interaction de groupe et par itérations, plutôt que des calculs en back-office
  • Susciter l’appropriation de la formulation du problème en jouant la transparence
  • Faciliter une représentation graphique (visuelle) comme support à l’exploration systématique et en groupe de l’espace de la solution
  • Se concentrer sur les relations existantes entre des alternatives discrètes plutôt que sur des variables continues
  • Se concentrer sur la possibilité plutôt que sur la probabilité

Culture de la diversité, transparence à travers la narration du travail, et interactions complexes au sein de l’écosystème d’une organisation, sont certaines des caractéristiques clefs d’un social business. En réconciliant la vision marketing de l’entreprise collaborative avec la vision innovation, les entreprises se doteront de l’ensemble des compétences nécessaires pour faciliter la co-création de valeur. En s’organisant pour la flexibilité, la subsidiarité et la connectivité, elles deviendront capables d’orchestrer ces compétences en interne afin de pouvoir se réinventer au besoin. Comme l’a écrit Dave Gray: «le design pour les connexions est un design pour les entreprises constituées d’êtres humains. C’est un design pour la complexité, pour la productivité, et pour la longévité».

Tel qu’illustré dans l’étude d’IBM (voir le diagramme ci-dessous), les entreprises doivent combiner amélioration (exploiter le business modèle actuel) et réinvention (explorer de nouveaux business modèles) pour s’adapter à différents rythmes de changement de leur environnement. Pour ce faire, elle doivent intégrer et équilibrer la vision marketing et la vision innovation dans une approche à la fois plus holistique et plus émergente de la stratégie corporate.

Les entreprises collaboratives sont conçues pour l’innovation en termes de business modèle. Ce sont des systèmes adaptatifs complexes, conçus pour l’auto-(ré)organisation et la résilience, et qui forment un cadre structurel pour l’innovation à tous les niveaux. Mais ceci ne représente en fait qu’une partie de l’histoire. Pour devenir réellement agiles, les entreprises doivent cultiver une culture de l’expérimentation, et favoriser la prise de décision par des phases rapides de prototypage et de test. La technologie actuelle, ainsi que la génération à venir, se focalisent sur la vision marketing du social business: le Social CRM, l’Adaptive Case Management et les outils analytiques consacrés à la Big Data sont en passe de venir compléter la panoplie des technologies sociales aujourd’hui disponibles. Les technologies disruptives de demain pourraient bien être des outils destinés à venir en support de la prise de décision complexe, et servir à implémenter des méthodes de structuration de problèmes (Problem Structuring Methods), afin d’aider les entreprises à mieux traiter le problème irréductible de l’innovation en terme de business modèle.

Lire la première partie

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Innovation, Complexity and Social Business – Part 1

Business Model Innovation as Wicked Problem

This post is the first of a two-parts article on innovation and social business co-written with Ralph-Christian Ohr (@ralph_ohr) and cross-posted from collaborativeinnovation.org.

We live in an age where emergent technologies continue to have massive effects on business and society. Rising complexity requires companies and economies to cope with increasingly interlocking systems. If we keep on considering systems in a traditional, isolated way, this would lead to a totally locked view of business. This new hyper-connected nature of information entails an unprecedented change in business and societal environments. One major consequence for companies is the imperative to learn to anticipate those changes as well as to successfully adapt to them, or being at risk of disappearing.

The business model is the new unit of design

The life time of business models is declining. Organizations are forced to reinvent themselves more and more frequently in order to survive and thrive. This implicates the creation and pursuit of new businesses while maintaining and improving existing businesses – sustainable success depends on a proper integration of evolutionary and revolutionary innovation.

A recent Arthur D. Little study has found that the proportion of innovative new products in adjacent and new business areas is likely to be nearly 3x as big as it was in the last decade (figure below). Such an increase would have fundamental consequences for the way innovation is managed. These radical innovations typically entail the search of new business models and strategies in order to scale them.

Source : http://www.adl.com/uploads/tx_extprism/Prism_01-11_Innovation_Management_01.pdf

Furthermore, the latest IBM 2012 Global CEO Study, titled “Leading Through Connections“, indicates that there is no significant difference in their approaches to product and service innovation when comparing  outperformers with underperformers . Where they differ is in their approach to business model innovation. Outperformers tend to upset entire industries. According to the following figure, they are 48% more likely to break into other industries and twice as inclined to invent entirely new ones. Tom Hulme from IDEO puts it in a nutshell: The business model is the new unit of design.

Source: http://public.dhe.ibm.com/common/ssi/ecm/en/gbe03485usen/GBE03485USEN.PDF

The rise of co-creation

Confronted with growing complexity at every turn, organizations are finding it increasingly impossible to be successful when entirely executing on their own. In order to move along innovation s-curves more effectively and efficiently they aim at building appropriate open value networks. Another finding of the IBM Study confirms outperformers to be more inclined to innovate with external partners (figure below). There seems to be a clear tendency to leverage openness, connectedness and collaborative innovation for the successful creation of novel business models. Obviously, cocreation with partners, who may even be competitors, gives outperformers the edge to tackle the most challenging forms of innovation. (Re-) Combination of internal and external capabilities to create value across boundaries is becoming crucial for organizations to succeed.

Source: http://public.dhe.ibm.com/common/ssi/ecm/en/gbe03485usen/GBE03485USEN.PDF

Indeed, S. D. Shibulal, CEO and Managing Director Infosys Limited, claims co-creation to be “the future of innovation“:

Our research and experience clearly indicates that the success of tomorrow’s enterprises will be strongly linked to the inclusiveness of their strategic ecosystem – an ecosystem which drives innovation through active co-creation with key stakeholders. At a time when businesses are struggling to adapt to complex market realities or to become more efficient or to develop a competitive differentiator or to simply survive, those who converge their innovation strengths are likely to have the edge. (…)

Finally, co-creation also expands the canvas of creativity, such that organisations need not restrict their innovation endeavors to those core competencies they already have a proven track record in. If they lack the expertise to plumb the depths of a certain arena, they can “acquire” it by simply co-building such expertise and insight with the right organisations. It’s a win-win situation. To conclude we believe that co-creating products, services and solutions that cater to specific needs of the stakeholders is the only way we can build our enterprises of tomorrow.

Embracing emergent strategies

As previously outlined, organizational reinvention by entering new businesses requires a different approach than sustaining existing businesses. Unlike exploitation of existing business models, exploration of new business models follows an emergent strategy through iterative testing, adjustment and validation. In most cases both customer problem (job-to-be-done) and solution (viable and feasible business model) are yet unknown at the outset. Therefore, matching them entails an open-ended search process without predefined goals.

Due to interactions and interdependencies among diverse stakeholders with different values and perspectives (such as customers, R&D, finance, management, shareholders, suppliers, sponsors etc.), this process of creating and implementing a novel business model while maintaining the existing model exhibits features of a wicked problem. Wicked problems are the opposite of complicated -but ordinary- problems that can be solved in a defined time by applying standard analytical methods. Transitions between different business models can also be regarded as complex adaption processes aimed at responding to fundamental changes in the business environment.

In “Tackling Complexity and Wicked Problems with Design Thinking“ we suggested the following pillars to properly address such complex problems:

  • Experimentation and agility: In complex and uncertain environments it’s essential to let patterns emerge and to determine which ones are convenient. Every experiment exposes new aspects of the problem, leading to further adjustments of the following solution proposal. In place of finding ‘the right solution’, problem understanding and solution must be woven together from beginning to end through explorative iterations.
  • Interpretive approach: A wicked problem usually implies a radical uncertainty, i.e. not simply an inability to predict which of several options will turn out to be the preferred one. In the absence of a specified solution, no analytical problem solving can be applied by breaking the problem up into a set of separable parts that can be assigned to different specialists. An appropriate approach aims at initiating and guiding  among stakeholders in order to allow insights and shared understanding to emerge. Or as Harold Jarche puts it: organizations need to extend the notion of work beyond goal-oriented collaboration towards opportunity-driven cooperation.
  • Diverse ecosystems: Given that many people care about or have something at stake in how the problem has to be / could be resolved, the process of solving a wicked problem is fundamentally social, and solving a wicked problem is fundamentally a social process.

Dave Gray, author of “The Connected Company“ summarizes these requisites well here:

Diversity breeds creativity – ecosystems are richest where habitats and species overlap. With more connections and diversity comes more creativity: diverse communities are more interesting, more provocative, and more stimulating. (…)

Emergent strategy requires that the company continually generates a broad range of hypotheses, testing them in small-scale experiments, and feeding the more successful experiments while pruning the failed ones. (…)

Emergence is self-organization, order that bubbles up from the bottom instead of being pushed down from the top. Emergence is common in complex systems where agents have the autonomy to move around and interact to discover possibilities. For emergent strategy to be successful, there must be enough autonomy, freedom, and slack in the system for people and resources to connect in a peer-to-peer way, like they do in Silicon Valley.

Taken together, this makes an important point: Emergent strategies and tackling wicked problems, such as business model innovation, require appropriate social and engaging business environments in order to thrive. Findings by the McKinsey Global Institute further confirm: the greater the relative percentage of interaction workers (i.e. employees whose work requires complex interactions with other people and independent judgment) in an enterprise, the more competitive it is within its peer group. This suggests that solving the challenge of making interaction workers more efficient and effective, should build a significant strategic capability for innovation and adaption to changing conditions (figure below). Business needs to become social.

Tim Kastelle points out the foundation to make social business work: “If you want to make your organization more social, it requires tools and culture to work together. Tools by themselves will never fix your problem. “ They need to be embedded in a culture of openness, trust and shared purpose.

Obviously, social business’ adaptive and collaborative nature presents us with novel and actionable frameworks to tackle strategic and innovation issues, as we will outline more in detail in the second part of this post.

Takeaway

An ever increasing pace of change leads to a decrease in life time of operating business models. Companies are therefore forced to reinvent themselves more frequently by creating new business models. Entering new businesses through open business model innovation exhibits a wicked problem structure. In order to properly address those problems, companies have to follow emergent strategies and need to put decentralized, self-organizing structures in place. Social business brings an answer to the urgent necessity to successfully tackle corporate reinvention and to enhance strategic adaptability by connecting individual human stakeholders.

Read second part.

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Innovation, complexité et social business – Première partie

Innover en matière de business modèle, un problème irréductible

Ce billet est le premier d’un article en deux parties co-écrit avec Ralph-Christian Ohr (@ralph_ohr) et cross-posté depuis collaborativeinnovation.org.

Nous vivons à une époque où les technologie émergentes continuent à avoir un impact majeur, tant sur les organisations que sur la société dans son ensemble. La complexité grandissante oblige les entreprises et les économies à opérer dans des systèmes de plus en plus imbriqués. En continuant à considérer ces systèmes de manière traditionnelle, isolée, nous risquons de nous retrouver dans une situation entièrement bloquée. La nouvelle nature hyper-connectée de l’information génère des changements profonds dans l’environnement sociétal aussi bien qu’économique, et pour les entreprises, il est devenu impératif d’apprendre à anticiper les changements en cours et à s’y adapter, ou de courir le risque de disparaître.

Le business modèle, nouvelle unité du design

La durée de vie des business modèles s’amenuise. Les entreprises sont contraintes à se réinventer de plus en plus souvent afin de survivre. Ceci implique de créer et de rechercher de nouveaux marchés tout en continuant à travailler sur les marchés existants: le succès durable dépend de la capacité à intégrer l’innovation, tant incrémentale que révolutionnaire.

Une étude récente d’Arthur D. Little a montré que la proportion de produits innovants dans des marchés nouveaux ou adjacents pourrait devenir trois fois plus importante qu’elle ne l’était il y a dix ans (voir le graphique ci-dessous). Une telle augmentation aurait des conséquences fondamentales sur la manière dont est gérée l’innovation. Pour donner toute leur place à ces innovations radicales, il devient indispensable de créer de nouvelles stratégies et de nouveaux business modèles.

Source : http://www.adl.com/uploads/tx_extprism/Prism_01-11_Innovation_Management_01.pdf

De plus, la 2012 Global CEO Study menée par IBM, intitulée «Leading Through Connections» (diriger par les connexions), indique que lorsque l’on compare les entreprises sur-performantes à celles qui sous-performent, on ne note aucune différence significative dans leur approche de l’innovation en produits et en services, la différence se situant dans leur approche de l’innovation en terme de business modèle. Les sur-performeurs ont tendance à bouleverser des secteurs d’activité entiers. Selon le graphique ci-dessous, ces entreprises ont 48% plus de chances que les autres de percer sur d’autres secteurs, et sont deux fois plus à même d’en inventer de nouveaux. Tom Hulme, d’IDEO, a parfaitement résumé la situation: le business modèle est la nouvelle unité du design.

Source: http://public.dhe.ibm.com/common/ssi/ecm/en/gbe03485usen/GBE03485USEN.PDF

L’avènement de la co-création

Constamment confrontées à la complexité, les entreprises se rendent compte de l’impossibilité de plus en plus grande d’opérer de manière isolée. Afin de se déplacer plus efficacement le long des courbes en S de l’innovation, elles cherchent à constituer des réseaux ouverts de valeur. Un des autres résultats de l’étude d’IBM confirme le fait que les sur-performeurs ont plus tendance à innover avec des partenaires externes (graphique ci-dessous). Une nette tendance semble ainsi se dessiner vers davantage d’ouverture, de connectivité et d’innovation collaborative dans la création de nouveaux business modèles. D’évidence, co-créer avec des partenaires, qui peuvent même être des concurrents, donne à ces entreprises sur-performantes les moyens de se lancer dans les formes d’innovation les plus avancées. Pour les entreprises, il est devenu fondamental de (re) combiner les capacités internes et externes pour créer de la valeur au-delà de leur pré carré.

Source: http://public.dhe.ibm.com/common/ssi/ecm/en/gbe03485usen/GBE03485USEN.PDF

Pour S. D. Shibulal, CEO et Managing Director d’Infosys Limited, la co-création est «le futur de l’innovation»:

«notre recherche et notre expérience montrent clairement que le succès des entreprises de demain sera étroitement lié à la participation active de leur écosystème stratégique -un écosystème qui pilote l’innovation avec des participants clefs. A une époque à les entreprises se débattent pour s’adapter aux réalités complexes des marchés, ou pour devenir plus performantes, ou pour développer un avantage compétitif, ou pour tout simplement survivre, celles qui feront converger leurs forces d’innovation ont toutes les chances de prendre la tête. (…)

Enfin, la co-création étend la palette de la créativité, d’une façon telle que les entreprises n’ont plus besoin de restreindre leurs efforts d’innovation aux compétences clefs qui ont déjà fait leurs preuves. Si une expertise leur manque pour explorer en détail un certain domaine, elles peuvent «l’acquérir» en co-construisant simplement cette expertise avec les bons partenaires. C’est une situation gagnant-gagnant. Pour conclure, nous pensons que co-créer des produits, des services, et des solutions qui répondent à des besoins spécifiques des parties prenantes, est le seul moyen pour construire nos entreprises de demain.»

Adopter des stratégies émergentes

Comme nous l’avons déjà esquissé, réinventer une entreprise à travers la recherche de nouveaux marchés requiert une approche différente de celle adoptée pour se développer dans un marché existant. L’exploration de nouveaux business modèles suit une stratégie émergente, développée à travers une démarche itérative de tests, d’ajustements et de validations. Dans la plupart des cas, tant le problème du client (leur problème-à-résoudre, pour traduire le job-to-be-done conceptualisé par Clay Christensen), que la solution (un business modèle viable et réaliste) sont inconnus au départ. Les faire coïncider implique donc de mettre en place un processus de recherche ouvert, sans but prédéfini.

A cause des interactions et des interdépendances existant entre les diverses parties prenantes (telles que clients, R&D, finance, management, actionnaires, fournisseurs, sponsors, etc), chacune possèdant ses valeurs et ses perspectives, le processus consistant à créer et mettre en place un nouveau business modèle tout en conservant l’actuel présente toutes les caractéristiques d’un problème irréductible. Ces «wicked problems» sont aux antipodes des problèmes compliqués -mais ordinaires- qui peuvent être résolus en un temps donné par des méthodes analytiques classiques. Les transitions entre les différents business modèles peuvent être vues comme des processus adaptatifs complexes, évoluant en réponse à des changements fondamentaux de l’environnement business.

Dans «Affronter la complexité et les problèmes irréductibles avec le Design Thinking», nous avons suggéré les «piliers» suivants afin d’affronter correctement de tels problèmes complexes:

  • Expérimentation et agilité: dans des environnements complexes et incertains, il est essentiel de laisser des motifs émerger et de déterminer ceux qui conviennent. Chaque expérience met en lumière de nouveaux aspects du problème, ce qui mène à de nouveaux ajustements en vue de la proposition suivante. Au lieu de chercher à trouver la «bonne solution», la compréhension du problème et la solution doivent être «tissées» ensemble dès le départ à travers des itérations exploratoires.
  • Approche interprétative: problème irréductible signifie d’ordinaire incertitude radicale, au-delà d’une simple inaptitude à prédire l’option qui obtiendra la préférence. En l’absence de solution spécifiée, il est impossible d’appliquer une méthode de résolution de problème analytique en découpant le problème en morceaux qui puissent ensuite être confiés à différents spécialistes. L’approche adéquate consiste à guider l’ensemble des parties prenantes afin de laisser émerger des idées et favoriser un langage commun dans la compréhension du problème. Comme l’écrit Harold Jarche: «les entreprises doivent élargir la notion de travail au-delà de collaboration en vue d’un objectif, vers celle de coopération opportuniste.»
  • Ecosystèmes diversifiés. Etant donné que beaucoup de gens ont un intérêt personnel et particulier dans la manière dont le problème devrait / pourrait être résolu, le processus de résolution d’un problème irréductible est fondamentalement social, et résoudre un problème complexe est un processus fondamentalement social.

Dave Gray, auteur  de «The Connected Company», résume bien ces pré-requis:

La diversité engendre la créativité, les écosystèmes sont plus riches lorsque les habitats et les espèces se superposent. Davantage de connexions et de diversité engendre davantage de créativité: les communautés diversifiées sont plus intéressantes, et plus stimulantes (…)

Une stratégie émergente requiert que l’entreprise génère constamment une large gamme d’hypothèses, les testant par des expériences à petite échelle, nourrissant ensuite les plus prometteuses tout en élaguant les autres (…)

Emergence signifie auto-organisation, un ordre qui surgit du bas au lieu d’être poussé depuis le haut. L’émergence est fréquente dans les systèmes complexes où les agents sont autonomes pour se déplacer et interagir pour découvrir des possibilités. Pour qu’une stratégie émergente soit couronnée de succès, il faut qu’il y ait suffisamment d’autonomie, de liberté, et de souplesse dans le système pour que les gens se connectent de façon pair-à-pair, ainsi qu’ils le font dans la SIlicon Valley.

Tout ceci souligne un point important: les stratégies émergentes, et le traitement des problèmes irréductibles, tels que l’innovation en matière de business modèle, nécessitent un environnement organisationnel propice et «social» afin d’exprimer leur potentiel. Ce que confirment les résultats d’une recherche du McKinsey Global Institute: plus le pourcentage de travailleurs en interaction (c’est à dire des employés dont le travail nécessite des interactions complexes avec d’autres gens et un jugement indépendant) sera important dans une entreprise, et plus celle-ci sera compétitive dans son secteur d’activité. Ceci suggère que le fait de rendre les travailleurs en interaction plus efficaces aide à construire une compétence stratégique significative en matière d’innovation et d’adaptation à des conditions instables (voir figure ci-dessous). Les entreprises doivent devenir sociales.

Tim Kastelle a mis en évidence les fondations permettant à un social business de fonctionner: «si vous voulez rendre votre entreprise plus sociale, la culture et les outils doivent fonctionner ensemble. Les outils par eux-mêmes ne résoudront jamais votre problème.» Ils doivent s’inscrire dans une culture d’ouverture, de confiance et de but partagé.

De toute évidence, la nature adaptative et collaborative du social business offre un cadre actionnable à la résolution des problèmes de stratégie et d’innovation, comme nous le verrons dans la seconde partie de ce billet.

En conclusion

L’accélération du changement réduit l’espérance de vie des business modèles actuels. Les entreprises sont donc forcées de se réinventer de plus en plus fréquemment en créant de nouveaux business modèles. Conquérir de nouveaux marchés par le biais de l’innovation en matière de business modèle présente les caractéristiques d’un problème irréductible. Afin de traiter correctement ces problèmes, les entreprises doivent suivre des stratégies émergentes et mettre en place des structures décentralisées et auto-organisées. Le social business apporte une réponse au besoin impératif de mener avec succès la réinvention organisationnelle et d’améliorer l’adaptabilité stratégique en connectant les parties prenantes entre elles.

Lire la seconde partie

 

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