Les deux visages du social business

La co-évolution a toujours joué un rôle important dans l’histoire de l’humanité, spécialement lorsque l’on évoque les relations complexes entre technologie et comportements sociaux. Les outils sociaux envahissant le web et s’invitant de plus en plus vite dans nos organisations ne font pas exception. Mais l’évolution n’est ni linéaire, ni toujours un jeu à somme positive. Le social business, dans l’acceptation actuelle de définition d’une nouvelle manière d’effectuer le travail, arrive sans doute à une croisée des chemins.

«Donnez-moi un levier suffisamment long et un point d’appui, et je soulèverai le monde». Cette célèbre citation d’Archimède illustre la double nature de l’évolution technologique: en fournissant une explication théorique et scientifique au levier, il a inventé des systèmes de poulies permettant la manipulation de charges d’un poids jusqu’alors impossible, mais également la catapulte, l’une des premières armes de destruction massive. Depuis l’invention du feu jusqu’à la fission nucléaire, qu’il s’agisse de progrès disruptif ou d’adaptation incrémentale, l’innovation technologique a toujours été autant une malédiction qu’une bénédiction.

Toute médaille a son revers

Les technologies 2.0 ne font pas exception à cette règle. Jour après jour, on peut lire des articles dithyrambiques sur la manière dont le web social est en train de transformer notre réalité, suscitant l’empathie, construisant un monde meilleur et des organisations plus humaines. Comme c’est beau. Et comme c’est faux. Les technologies sociales ont le potentiel de nous aider à construire un monde meilleur, mais également pire. L’empathie peut se transformer en haine en un clin d’oeil, ou servir de catalyseur à la manipulation des foules et des individus. Toute médaille a son revers. Je ne parle pas ici de crises d’e-réputation ou de soi-disant désastres des médias sociaux, qui nourrissent régulièrement tant de blogs «marketing», et résultent la plupart du temps d’un positionnement produit insoutenable ou du comportement infantile de quelques employés, mais d’une menace bien plus forte et bien plus puissante pesant sur le potentiel des médias sociaux: celui d’en appeler au côté obscur de l’esprit humain.

Il est temps de s’y mettre

Ne pas prendre cette menace au sérieux, en persistant à se concentrer sur les maladresses émaillant l’usage des médias sociaux pour claironner que ceux-ci sont en train de transformer le monde est non seulement stupide, mais dommageables, lorsque cette attitude s’applique à l’univers du business.

Une évolution tangible de la nature du travail, et une réelle transformation de la structure des organisations, tout cela n’existe pour l’instant essentiellement que dans le baratin marketing. Les choses changent lentement, et nécessitent bien plus un véritable changement de culture que la simple adoption de nouveaux outils. Comme l’a judicieusement fait remarquer Mark Tamis, le Social Business (tel que le définit maintenant IBM) est en fait bien plus proche de la définition originale de l’Entreprise 2.0 que de l’entreprise collaborative telle que la décrit Esteban Kolsky, ou de la Wirearchie telle que l’entrevoit Jon Husband. Changer de terminologie ne dissipe pas l’écran de fumée.

La «tâchisation» de la conversation

De plus, des outils tels que Salesforce Chatter, ou plus récemment Tibbr, apparaissent, qui permettent l’intégration directe des applications métiers dans les plateformes sociales. Je suis convaincu que la socialisation des processus business n’est pas une direction pertinente à suivre sur le chemin qui mène au social business, mais là n’est pas la véritable menace. Tibbr permet aux gens de choisir les informations qu’ils veulent recevoir, et quand ils souhaitent les recevoir. Bien que cela puisse (pour certains) apparaître comme une superbe idée, comment pensez-vous que cela se traduise en pratique dans la grande majorité des entreprises, dans celles pour lesquelles «devenir une entreprise collaborative» (ce sont les mots-même d’IBM) signifie en gros fournir des outils bruts aux employés sans pour autant renoncer à leur structure traditionnelle, typiquement commande-et-contrôle ? Comment cela serait-il compris par ces entreprises qui concentrent leur stratégie autour de la productivité orientée processus, de l’optimisation de la force de travail et des réductions de coût ?

La réponse, vous la connaissez: de tels outils donneront aux managers de nouveaux moyens pour contrôler leurs équipes, en temps réel, de nouvelles opportunités pour enchaîner les travailleurs à leurs tâches. Dans un monde où ne pas avoir répondu à un email dix minutes après l’avoir reçu est considéré et signifié comme une erreur, vous n’aurez plus d’excuse pour ne pas checker toutes les demi-heures les messages provenant de l’ERP. Les conversations deviendront de nouvelles tâches interruptives, l’»empowerment» dont il est question se traduira en encore moins de possibilités de s’auto-organiser. Le côté obscur du business existe, et il se porte bien.

Le social business offre aux entreprises une opportunité majeure de redéfinir la nature du travail et la structure des organisations, libérant les travailleurs de la pression organisationnelle et définissant un nouveau contrat social entre clients, travailleurs, entreprises et leur écosystème. Du côté obscur, il leur offre également des manières inédites de renforcer le business-as-usual et d’exploiter plus encore l’héritage dépassé de l’ère industrielle. Centrée- individus ou centrée-IT, l’utilisation des technologies sociales se trouve à la croisée des chemins, et il est sans doute temps d’y faire face sans indulgence.

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In a networked knowledge economy, co-creation is co-evolution

Our world is changing, so is the way we are thinking about it. The rise of online networks has not only modified our possibilities to connect and exchange knowledge with other people, but also has it given anyone with internet access a new, almost (not yet totally, but for how long?) unalienable, power. From charities to tyrannies, from companies to markets, a lot of this power is shifting to citizens and customers. Paradoxically, the more people gain access to it, the less we can think in terms of mass. Individuals, their diversity, their relationships, their interactions, matter more than the standardized bulk dynamics prevailing in the industrial logic.

To adapt to this change, organizations have to reinvent most of the ways they operate. Customers are no more passive buyers to target. Companies are no more fierce industrial strongholds aimed at infinite growth and bracing their back against long-term competitive advantages. Work is no more a clearly designed set of tasks, defined by roles and rewarded by career paths. Trees grow no more to the sky. Previous equilibrium between production, sales and profit is broken, and a new one is required, which embraces the evolving complexity of relationships between customers, companies and workers.

SD-logic and co-creation of value

Service-dominant logic draws a framework in the quest for such an equilibrium. By switching from a transaction-based model of organizational justification (I sell therefore I am) to an interactive model of value creation, it provides us with critical insights on the necessary mutation economic actors must undergo to survive in an ever more challenging environment. I already wrote about service-dominant logic (and you can learn a lot more here -and on the SD-logic website if operational again-), but, at the risk to oversimplify the works of Steve Vargo and Robert Lusch, let me recall some basic principles of their theory: companies do not market products for customers to buy; they make proposals (of products, of services) which customers hire (thus on a momentary, but not instantaneous, basis) to help them get their job (the real-world activity they want to use the product or service for) done. Value is co-created by company and customers during the whole length of time the customer uses the product / service.

For companies, beyond profit and other measurable benefits (reputation and loyalty for instance), value means knowledge about their customers’ needs, expectations and uses, which drives further development of better products and services, and better engagement. For customers, value also means knowledge about how to better fit their needs. Through value co-creation, both parts evolve.

Furthermore, value is neither created in the void, nor in a simple dual firm-customers relationship. People talk, compare, their own networks influence the overall value creation. Companies, too, are part of networked ecosystems composed of suppliers, subcontractors and many other stakeholders. As more and more people share knowledge through their online networks, as more and more companies get in the use to listen and engage with them, they will get more and more involved into customer-driven innovation, and will co-evolve.

The dynamics of co-evolution: competition

Co-evolution dynamics are originally related to natural ecosystems and living species, but are more and more considered in organizational and societal theories, as an inherent part of complex systems behavior. Co-evolution happens when a system and its environment, or different subsystems, are influencing each other to change.

The first kind of co-evolution is competitive: a system evolves to gain advantage onto another, in a typical predator/prey relationship. As more companies turn to customers and other parts of their ecosystem for added value, they will compete for what best serves their needs in a particular category, which involves several risks.

The first risk of a purely competitive co-evolution is relativism: competition involves getting advantage, but a subcontractor may work for several competitors (as Vargo and Lusch acknowledged), or customers may give insight in reference to competing products (imagine I own both a Kindle and an iPad). Companies may end up trapped in a kind of Zeno’s paradox, a zero-value sum, driving just enough innovation to get closer to their competitors’ best proposal.

The second risk is called the Red Queen’s dynamics, and is a hypothesis formulated by the American biologist Van Valen in 1973, stating that co-evolution in tightly related species doesn’t preclude any of them from extinction, whatever the number of precedent evolutions might be, and more and more considered in economic research. In our business context, it means that companies might be obliged to dedicate more and more resources to value co-creation, thus to evolve, not to thrive, but just to stay in the competition. Following the Red Queen’s hypothesis, engaging in that sort of arms race would equal, for companies which aren’t deeply involved in design-driven innovation, an overwhelming takeover by customers.

The dynamics of co-evolution: cooperation

While a truly cooperative economy might be seen as a mere utopia, cooperation, whether between firms or with customers, is a business reality. Whereas collaboration’s dynamics, requiring aligned goals, resources and outcomes, are mostly endogenous and pertain to a shared system’s level, cooperation takes its power from diversity, empowering each actor through shared information and behaviors. Meaningful sustainability initiatives assume active cooperation between whole business ecosystems and customers. Coopetition, which combines cooperation and competition, is gaining acceptance as a powerful business strategy in our networked economy.

Still an emergent domain of research, cooperative co-evolution doesn’t suffer from the same flaws as its competitive counterpart. Furthermore, it provides to value co-creation an interesting analogy with the cognitive learning process; all actors gain and create knowledge from information available, according to his own needs, expectations and personal background. Could we therefore use the different types of cognitive learning to provide a practical frame to the promises of the service-dominant logic? That’s a great perspective I would love to discuss with you. Online networks are transforming the way we behave, chances are good they will transform the way business is done. For better.

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Dans une économie du savoir en réseau, co-création égale co-évolution

Notre monde change, et avec lui la manière dont nous le pensons. L’essor des réseaux en ligne a non seulement modifié les possibilités offertes de nous connecter et d’échanger du savoir avec les autres, mais a également donné à toute personne ayant accès à l’internet un nouveau pouvoir, pratiquement (pas encore totalement, mais pour combien de temps?) inaliénable. Des ONGs aux tyrannies, des entreprises aux marchés, une grande part de ce pouvoir est entre le mains des citoyens et des clients. Paradoxalement, plus nous sommes nombreux à y accéder, moins nous pouvons penser en termes de masses. Les individus, leur diversité, leurs relations, leurs interactions, prennent plus d’importance que les dynamiques standardisées de groupes prévalant dans la logique industrielle.

Pour s’adapter à ce changement, les organisations doivent réinventer la plupart de leurs pratiques opérationnelles. Les clients ne sont plus des consommateurs passifs que l’on cible. Les entreprises ne sont plus des citadelles industrielles à la recherche d’une croissance perpétuelle et s’arcboutant sur des avantages compétitifs à long terme. Le travail n’est plus une liste clairement définie de tâches, défini par des rôles et récompensé par des plans de carrière. Les arbres ne montent plus jusqu’au ciel. L’ancien équilibre entre production, ventes et profit est rompu, et il est nécessaire d’en trouver un nouveau, qui tienne compte de la complexité mouvante des relations entre clients, entreprises et travailleurs.

Logique à dominante service et co-création de valeur

La logique à dominante service nous fournit une méthodologie dans la recherche d’un tel équilibre. En passant d’un modèle de justification organisationnel (je vends donc je suis) basé sur la transaction à un modèle interactif de création de valeur, elle nous donne des clefs fondamentales sur la mutation essentielle que doivent entreprendre les acteurs économiques pour survivre dans un environnement de plus en plus difficile. J’ai déjà écrit à propos de la logique à dominante service (et vous en apprendrez bien plus ici – ainsi que sur le site dédié, à condition que celui-ci soit à nouveau en ligne), mais, au risque de sur-simplifier le travail de Steve Vargo et de Robert Lusch, voici quelques principes de base de leur théorie: les entreprises ne mettent pas sur le marché des produits pour que leurs clients les achètent; elles émettent des propositions (de produits ou de services) que leurs clients empruntent (donc pour une durée limitée, et non dans une transaction instantanée) pour les aider à faire leur travail (en anglais «job-to-be-done», l’activité réelle pour laquelle ils projettent d’utiliser le produit ou le service). De la valeur est co-créée par l’entreprise et ses clients pendant toute la durée pendant laquelle le client utilise le produit / service.

Pour les entreprises, au-delà du profit et autres bénéfices mesurables (réputation et fidélité par exemple), valeur signifie connaissance des besoins, attentes et usages de leurs clients, savoir qui alimentera le développement de meilleurs produits et services, et leur permettra de mieux se consacrer à leurs besoins. Pour les clients, valeur signifie également un savoir sur la meilleure manière de remplir ces besoins. A travers la co-création de valeur, chacun évolue.

De plus, la value n’est ni créée dans le vide, ni dans une simple relation duale entreprise-clients. Les gens parlent, comparent, leurs propres réseaux influencent la création globale de valeur. Les entreprises, elles aussi, font partie d’écosystèmes connectés composés de fournisseurs, de sous-traitants et de bien d’autres intervenants. Alors que de plus en plus d’individus partageront du savoir à travers leurs réseaux en ligne, que de plus en plus d’entreprises prendront l’habitude de les écouter et d’échanger avec eux, elles seront de plus en plus impliquées dans l’innovation pilotée par les clients, et co-évolueront.

La dynamique de la co-évolution: la compétition

La dynamique de la co-évolution est historiquement étudiée dans le cadre des écosystèmes naturels et des espèces vivantes, mais l’est de plus en plus dans le cadre de théories organisationnelles et sociétales, en tant que caractère inhérent du comportement des systèmes complexes. La co-évolution survient lorsqu’un système et son environnement, ou différents sous-systèmes, sont amenés à évoluer en s’influençant les uns les autres.

Le premier type de co-évolution est compétitive: un système évolue pour prendre l’avantage sur un autre, dans une relation typique d’ordre prédateur-proie. Alors que de plus en plus d’entreprises se tournent vers leurs clients et d’autres éléments de leur écosystème pour créer plus de valeur, elles entreront en compétition pour répondre à leurs besoins dans une catégorie donnée, ce qui comporte plusieurs risques.

Le premier risque guettant une co-évolution purement compétitive est le relativisme: la compétition implique se doter d’avantages, mais un sous-traitant donné peut travailler pour plusieurs compétiteurs (comme le reconnaissent Vargo et Lusch), et les clients peuvent donner leurs idées en fonction de plusieurs produits en compétition (imaginez que vous possédiez à la fois un Kindle et un iPad). Les entreprises peuvent se retrouver prisonnières d’une sorte de paradoxe de Zénon, un jeu à résultat nul, n’innovant que pour se rapprocher de la meilleure offre de leurs compétiteurs.

Le second risque s’appelle la dynamique de la Reine Rouge, une hypothèse formulée par le biologiste américain Van Valen en 1973, alléguant que la co-évolution d’espèces étroitement liées ne les protège pas de l’extinction, quel que sont le nombre des évolutions précédentes, qui est de plus en plus considérée dans la recherche en économie. Dans notre contexte business, cela signifie que les entreprises pourraient être obligée à consacrer de plus en plus de ressources à la co-création de valeur, et donc à évoluer, non pas pour sortir du lot, mais juste pour survivre. Selon l’hypothèse de la Reine Rouge, s’engager dans ce type de course aux armements équivaudrait, pour des entreprises qui ne s’engageraient pas dans l’innovation pilotée par le design, à une prise de contrôle de son activité par ses clients.

La dynamique de la co-évolution: la coopération

Même si une économie réellement coopérative relève essentiellement aujourd’hui de l’utopie, la coopération, que ce soit entre entreprises ou avec les clients, est une réalité économique. Alors que la dynamique de la collaboration, qui requiert un alignement des objectifs, des ressources et des résultats, est essentiellement endogène, en ce qu’elle relève d’un écosystème partagé, la coopération tire sa force de la diversité des acteurs, leur faisant tous bénéficier de l’information et des comportements partagés. Les initiatives les plus pertinentes en développement durable mettent en oeuvre la coopération d’écosystèmes économiques entiers. La coopétition, qui combine coopération et compétition, est de plus en plus vue comme une stratégie optimale dans notre économie en réseau.

Sujet de recherche relativement encore émergent, la co-évolution coopérative ne souffre pas des mêmes défauts que sa contrepartie compétitive. De plus, elle permet une intéressante analogie entre la co-création de valeur et le processus de l’apprentissage cognitif; tous les acteurs acquièrent et créent du savoir à partir de l’information disponible, chacun en accord avec ses besoins, ses attentes et son background personnel. Est-il possible d’utiliser les différents types d’apprentissage cognitif pour donner un cadre pratique aux promesses de la logique à dominante service. C’est une fabuleuse perspective dont j’aimerais pouvoir discuter avec vous. Les réseaux en ligne sont en train de modifier nos comportements, et il y a de grandes chances qu’ils modifient la façon dont le business s’opère. Pour quelque chose de mieux.

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Moving Beyond “Work as Usual” in a Complex World

As ever increasing speed and amount of available knowledge are reshaping day after day the world we live in, it looks like a gap is widening between the way most businesses still operate and the capabilities needed to deal with our environment’s growing complexity.

Organizational responses to overall increasing speed too often are costs reductions, automation and optimization. Efficiency has become the new business’ black, and BPR is its credo. But speed isn’t only a factor we have to cope with; it is deeply transforming the nature of our relationships to the world. As Paul Virilio wrote: “The speed of light does not merely transform the world. It becomes the world. Globalization is the speed of light.” When considering speed as an external constraint, companies are keeping themselves deliberately out of many of today’s new fundamental dynamics. Pushing the gas pedal won’t drive anyone faster than the engine was built for, and current business engine was assembled in the — industrial – XIXth century, and amended more than thirty years ago with the rise of the process-driven enterprise.

The shy face of Enterprise 2.0

On every subject, for every aspect of our life, the quantity of information available is so tantalizing, that we cannot simply store all information we need at some time into our memory anymore. Such abundance has transformed our cognitive process: we now mostly remember links and references to information, extending our memory map, our knowledge, to a network of peers and sources. The more information is made available, the stronger and wider this network becomes, and the faster knowledge is able to flow. This networked nature of our representation of the world in turn participates in increasing the global speed of the world.

One major Enterprise 2.0 frameworks’ motto is to help companies to deal better with this information overabundance, to make organizational knowledge expandable and faster to access, with the help of social software: connecting with the right information at the right time. So far so good. Power has shifted from knowledge to knowledge sharing. Cool; but for how long? Even if there is little hope to break the 90-9-1 rule in organizations, information is becoming ubiquitous in an exponential way.

A recent attempt to deal with this growing quantity of knowledge flows is content curation, to allow for a better distribution of information. Unfortunately, this only helps facilitating knowledge acquisition when the desired outcome is already known, since what is relevant to you isn’t necessarily so for someone else, or even in another situation. Context is missing here. What we need is another way to filter information in context, another way to make information usable through non-deterministic tasks. The real power resides in knowledge use, not in knowledge sharing.

Another motto is to start with clear objectives. Business objectives… When quantity of information and speed of transmission are changing our way of thinking, are deeply transforming our lives, is it reasonable to believe that aligning corporate practices with private habits will spare us to rethink the way we work, the way we do business? Can we seriously think that getting from silos to clusters will save us deeper organizational transformations? Yes, we have to set up business objectives to any collaborative initiatives, but we have to consider which new kind of objectives can be achieved through social business, and what it means for the future of business.

The poor performance of processes

Umair Haque recently stated that “Making Room for Reflection Is a Strategic Imperative“. This is a nice injunction, backed with lucid and thoughtful arguments, but can we just “stop doing”, in an environment where speed has become the very stuff of things? I don’t believe so, taking a break is no more an option, and what we really need instead is to think differently. Accelerated growth of available data requires new ways to acquire knowledge and put it into action. In such a situation, unlearning has become as important as learning.

As most of our knowledge is now stored outside of our memory, the challenge not only lies in matching real-world situations with experiences stored in our memory, but also in pairing those situations with the right external connections, in order to gain access to the relevant knowledge. Not only do we have to deal with data, in anything but routine thinking, but with people, and our cognitive process now encompasses our networks. Information retrieval, and learning, had become inherently hyper-connected.

From internal “social” initiatives (let us consider them as knowledge networks rather than true collaborative environments for demonstration purpose) to customers’ relationships, present process-based approach to business is broken. Business processes expect a deterministic output; they rely on repeatability and explicit workflows, which often proves itself far from the nature of human relationships. The cognitive process, instead, is a non-linear mechanism, able to make sense from disjointed information. Cognition doesn’t appeal for processes, but for patterns. Furthermore, processes suit perfectly machine-to-machine communication. Human-to-machine communication needs to take into account user experience, which hardly resumes to processes, and human-to-human communication is all about weak signals and pattern recognition.

Knowledge work is all about patterns

Venessa Miemis has written a great post about the importance of patterns recognition in the cognitive process. To quote her: “there are strong and weak signals all around us, patterns, which indicate a change has happened, is happening, or has the potential to happen”. Business processes work as long as nothing changes, or at least changes slowly, which happens less and less in present business environments. Dynamic patterns, instead, are emergent phenomena of complex systems. They are highly adaptive and relate not only to existing flows (whether they be knowledge, work, customer journey, etc.), but also to how these flows change over time. In other words, they can be harnessed as predictive tools as well as operational routines design. A simple change in an underlying process might translate into huge and fast modifications of related pattern. Looking at the way patterns change (sometimes dramatically) in our networks provides us critical clues on how to improve broken processes, or on when to seamlessly switch to another one.

Here is a short summary of dynamic patterns versus processes characteristics:

ProcessesPatterns
LinearNon-linear
Designed on purposeEmergent and self-organizing
Inside-outMostly outside-in
Hard to changeHighly adaptive
Need stability to performRequire instability to form
May cause formation or modification of a single patternMay emerge from multiple different processes

Patterns are already used in business context. Emergent practices leveraged from online communities are patterns. Ethnography, and many design thinking methods, invoke pattern recognition to decipher customers’ behavior. Social learning implies the use of patterns in knowledge acquisition. Dynamic patterns are much more adapted to knowledge work than business processes are.

As they can be broken down to processes, monitoring patterns’ evolution in networks represent a promising way to handle the exceptions crippling most of the processes in which human interaction is involved. Integrating pattern recognition into work might require dedicated competencies, but it also requires new approaches. Adaptive Case Management is a promising framework to help dealing with knowledge flows rather than with processes, considered the fact that not only should we focus on information, but also on the way information, and connections to it, changes over time. Time has come, to understand that information is not only the blood of our networked organizations, but also their bones.

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Changer la nature du travail dans un monde complexe

Alors que la vitesse et la quantité croissantes du savoir disponible transforment jour après jour le monde dans lequel nous vivons, un fossé de plus en plus profond se creuse entre la façon dont les plupart des entreprises opèrent et les compétences nécessaires à la gestion d’un environnement de plus en plus complexe.

La réponse des entreprises à cette accélération globale est trop souvent synonyme de réduction des coûts, d’automatisation et de productivité. L’efficacité est devenue le Saint Graal du business, et le BPM son crédo. Non seulement la vitesse est un facteur dont nous devons désormais tenir compte, mais elle transforme désormais profondément la nature de notre rapport au monde. Comme l’écrivait Paul Virilio: «la vitesse de la lumière ne transforme pas simplement le monde. Elle devient le monde. La globalisation est la vitesse de la lumière». En considérant la vitesse en tant que contrainte externe, les entreprises se tiennent délibérément à l’écart de la plupart des dynamiques en jeu dans notre société. Appuyer sur l’accélérateur ne conduira personne au-delà de la vitesse pour laquelle un moteur a été conçu, et le moteur actuel des entreprises a été assemblé au cours du XIXème siècle industriel, et modifié il y a plus de trente ans, avec l’avènement de l’entreprise gérée par processus.

Quand l’Entreprise 2.0 se montre timide

Sur n’importe quel sujet, dans n’importe quel aspect de notre vie, la quantité d’information disponible est si énorme que nous ne pouvons plus nous contenter de stocker l’information dont nous avons besoin dans notre mémoire. Cette surabondance a transformé notre processus cognitif: ce que nous retenons maintenant sont essentiellement des liens et des références à l’information, étendant nos schémas mémoriels, et notre savoir, à un réseau de pairs et de sources. Plus il y a d’information disponible, plus ce réseau s’élargit et se densifie, et plus le savoir peut circuler rapidement. A son tour, la nature à présent réticulaire de notre représentation du monde participe à l’accélération globale du monde.

Une des grandes promesses de l’Entreprise 2.0 est d’aider les entreprises à mieux gérer cette surabondance d’information, à rendre le savoir organisationnel plus facile d’accès et plus simple à capitaliser, à l’aide de plateformes sociales: connecter chacun à la bonne information au bon moment. Jusque là, tout va bien. Le pouvoir a basculé de la détention au partage du savoir. Super; mais pour combien de temps? Même s’il existe peu de chance en entreprise de donner tort à la règle des 90-9-1, l’information devient omniprésente, et ce de façon exponentielle.

La «curation» de contenus représente une tentative pour gérer la quantité grandissante de flux de savoir en permettant une meilleure distribution de l’information. Malheureusement, cela ne facilite l’acquisition de savoir que lorsque l’objectif est connu, ce qui fera sens pour vous ne servira peut-être pas à quelqu’un d’autre, ou à une autre situation. Le contexte fait défaut. Nous avons besoin d’une autre manière de filtrer l’information en contexte, d’une autre manière de rendre l’information utilisable dans l’accomplissement de tâches non déterministes. Le réel pouvoir réside dans l’utilisation du savoir, non dans son partage.

Autre thème cher à l’Entreprise 2.0: fixer des objectifs précis. Des objectifs business… Alors que la quantité d’information et sa vitesse de transmission sont en train de modifier notre manière de penser, est-il raisonnable de croire qu’aligner les pratiques corporate avec les usages privés nous épargnera l’effort de repenser notre manière de travailler, de conduire les affaires? Pouvons-nous sérieusement penser que casser les silos pour les transformer en clusters évitera le besoin de transformations organisationnelles plus profondes? Oui, nous devons donner des objectifs business à toutes les initiatives collaboratives, mais nous devons aussi et surtout réfléchir à quel nouveau type d’objectifs nous pouvons atteindre grâce au social business, et à ce que cela signifie quant au futur même du business.

Quand les processus ne fonctionnent pas

Umair Haque a récemment déclaré que «laisser du temps à la réflexion est un impératif stratégique». C’est là une belle injonction, étayée par des arguments lucides et profonds, mais pouvons-nous simplement «arrêter de faire», dans un monde où la vitesse est devenue la matière même de la réalité? Je ne le pense pas, faire une pause n’est plus possible, et nous devons par conséquent penser différemment. La croissance accélérée du nombre de données disponible nécessite de chercher nouvelles façons d’acquérir le savoir et de le mettre en action. Dans une telle situation, désapprendre est devenu aussi important qu’apprendre.

Lorsque l’essentiel de notre savoir réside en-dehors de notre mémoire, le challenge ne consiste plus seulement à faire coïncider des situations réelles avec des expériences méorisées, mais également à apparier ces situations avec les bonnes connexions externes, afin d’accéder au savoir pertinent pour la tâche à réaliser. Non seulement devons-nous à présent nous débrouiller avec des données, mais aussi avec des personnes, et notre processus cognitif s’étend maintenant à nos réseaux. La recherche d’information, et l’apprentissage, sont devenus intrinsèquement hyper-connectés.

Depuis les initiatives «sociales» internes (considérons-les comme des réseaux de savoir plutôt que comme de véritables environnements collaboratifs, pour le bienfait de la démonstration) jusqu’à la relation client, l’approche actuelle du business, à base de processus, ne fonctionne plus. Les processus métiers ont un résultat déterministe, ils reposent sur la répétabilité et sur des workflows explicites, des caractéristiques qui sont bien éloignées de la réalité des relations entre individus. Le processus cognitif, au contraire, est un mécanisme non-linéaire, capable de créer du sens à partir d’informations disjointes. La cognition ne fait pas appel à des processus, mais à des motifs. De plus, les processus sont parfaitement adaptés à la communication de machine à machine. La communication d’homme à machine, elle, doit tenir compte de l’expérience utilisateur, qui s’accorde difficilement avec la nature rigide des processus, et la communication entre hommes est essentiellement affaire de signaux faibles et de reconnaissance de motifs.

Les motifs au coeur du travail du savoir

Venessa Miemis a écrit un très beau billet sur l’importance de la reconnaissance de motifs dans le processus cognitif. Je cite (en traduisant): «il y a des signaux forts et faibles tout autour de nous, des motifs, qui indiquent qu’un changement a eu lieu, a en ce moment lieu, ou peut potentiellement survenir». Les processus business fonctionnent tant que rien ne change, ou au moins change lentement, ce qui est de moins en moins fréquent dans l’environnement professionnel actuel. Les motifs dynamiques, d’un autre côté, sont un phénomène émergent des systèmes complexes. Ils sont hautement adaptatifs, et ne concernent pas uniquement les flux existants (qu’il s’agisse de savoir, de travail, de parcours client, etc.) mais également la manière dont ces flux évoluent dans le temps. En d’autres termes, ils peuvent être mis à profit tant à des fins d’anticipation que de routine opérationnelle. Observer la manière dont les motifs changent (parfois de manière dramatique) dans nos réseaux nous fournit des indices critiques sur la manière d’identifier et d’améliorer les dysfonctionnements des processus, ou sur le moment où un processus doit être abandonné au profit d’un autre.

Voici un petit résumé des caractéristiques des motifs dynamiques vs processus:

ProcessusMotifs
LinéairesNon-linéaires
Créés pour un objectif précisEmergents et auto-organisés
Inside-outEssentiellement outside-in
Difficiles à modifierHautement adaptatifs
Requièrent de la stabilité pour fonctionnerRequièrent de l’instabilité pour se créer
Peuvent causer formation or modification d’un simple motifPeut émerger de multiples processus différents

Les motifs sont déjà utilisés dans un contexte d’entreprise. Les pratiques émergentes des communautés sont des motifs. L’ethnographie, et bien des méthodes utilisées en design thinking, invoquent la reconnaissance de motifs pour décrypter le comportement des clients. Le social learning implique l’utilisation de motifs dans l’acquisition de savoir. Les motifs dynamiques sont bien mieux adaptés au travail du savoir que ne le sont les processus.

Du fait qu’ils peuvent être décomposés en processus, l’étude de l’évolution des motifs au coeur des réseaux représente une piste prometteuse dans la gestion des exceptions qui entachent la plupart des processus impliquant une interaction humaine. Si intégrer la reconnaissance de motifs dans le travail requiert des compétences spécifiques, cela requiert également de nouvelles approches. L’Adaptive Case Management représente une piste prometteuse, en ce qu’elle met l’accent sur les flux de savoir plutôt que sur les processus, à condition qu’au delà de l’information, la manière dont celle-ci, et les connexions qui y mènent, évoluent dans le temps soit prise en compte. Le temps est venu de comprendre que l’information n’est pas seulement le sang de nos entreprises en réseau, mais en est également l’ossature.

 

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