La vanne et la nouvelle économie

A new local sharing economy

Une fois n’est pas coutume, j’aimerais vous raconter une petite histoire. Lorsque, l’autre jour, nous sommes arrivés ma compagne et moi à notre maison de campagne, nous avons trouvé une lettre de l’entreprise de distribution d’eau dans la boîte aux lettres. Elle nous informait que, n’ayant pu accéder à notre compteur d’eau depuis plusieurs années, ils nous coupaient l’eau. Le compteur, qui est situé dans le jardin, donc derrière un portail fermé, est relevé un fois par an. Avant notre rencontre, ma compagne avait vécu ici pendant plusieurs années, mais nous ne venions désormais que pendant les weekend et certaines vacances. Il est inutile de dire que nous continuons à payer consciencieusement tous les mois une facture basée sur le précédent relevé, et, franchement, la consommation d’eau ayant fortement baissé, je pense que la compagnie de distribution nous doit une somme non négligeable.

Le problème est que l’employé de la compagnie ne travaille pas le samedi, et qu’il n’y a aucun moyen de communiquer notre index à distance, ou de toute autre manière envisageable: en ligne, par téléphone, par courrier, voire par pigeon voyageur. De plus, le relevé de compte est effectué en juillet, un mois où beaucoup de gens sont absents. L’accès à l’eau étant un droit inaliénable, la loi française prévoit l’obligation de laisser un droit d’accès réduit à ceux qui ne payent pas leur facture; par contre, il n’y a aucune loi concernant l’impossibilité de relever le compteur pendant deux ans consécutifs, et donc, ils nous ont tout simplement coupé l’eau.

Il a fait très chaud en juillet, et comme nous n’avions aucun moyen de faire la vaisselle ou de prendre une douche, nous avons décidé de repartir. La maison est située dans un petit village, où tout le monde se connait plus ou moins, et ma femme a également fait partie du conseil municipal lorsqu’elle habitait sur place. Sur le chemin, nous soles passés devant la mairie, devant laquelle se tenait le maire avec plusieurs autres personnes. Nous nous sommes arrêtés pour dire bonjour, et leur avons raconté notre histoire stupide. «Vous payez vos factures ?» , a demandé le maire, «c’est fou qu’ils vous aient coupé l’eau. Ne vous en faites pas, j’ai la clef qui ouvre la vanne. Attendez-moi, je vais vous l’ouvrir». Quelques minutes plus tard, il revenait avec une de ces grandes clefs en forme de T, et l’eau coula à nouveau…

Cette vague qu’on appelle la vie

Cette petite histoire illustre parfaitement, je pense, le monde d’aujourd’hui et l’environnement dans lequel nous vivons. D’un côté, les entreprises, grêlées par des procédures rigides et des processus abstraits, ont perdu contact avec les comportements, les besoins et les attentes de leurs clients. De l’autre côté, nous nous organisons de plus en plus en réseaux locaux informels, afin de suppléer aux déficiences structurelles des organisations supposées nous fournir les services de base dont nous dépendons (pensez aux banques, aux fournisseurs d’énergie,, aux télécoms, a l’immobilier, aux transports; pensez aux gouvernements et aux services publics; pensez au dernier cauchemar traversé en contactant un service client). Nous nous connectons, nous interagissons, partageons, empruntons, nous aidons les uns les autres en fonction de nos compétence et de notre bonne volonté. Les communautés locales sont le nouvel eldorado, comme vient de commenter Jon Husband sur Facebook. Elles sont notre réponse a l’incertitude et à la complexité du monde dans lequel nous vivons. En fait, elles l’ont toujours été. Depuis des temps immémoriaux, les êtres humains se sont rassemblés en tribus pour survivre dans des environnements hostiles. Même si les médias sociaux ajoutent une dimension globale, instantanée, a notre besoin d’appartenance, ils ne représentent que l’écume d’un phénomène profond et bouillonnant: une vague que l’on appelle la vie.

Beaucoup d’entreprises se sont développées dans un monde de certitude et de régularité qui ne correspond plus au nôtre. La plupart des comportements business continuent à se définir en fonction d’une ère de consommation standardisée et de croissance prévisible. Productivité, compétitivité, profitabilité, tous ces mots qui gouvernent l’univers corporate, ont un goût de linéarité qui ne correspond plus à notre âge de demain-est-vraiment-un-autre-jour. Aveuglées par leur propre survie, beaucoup d’entreprises ont perdu contact avec le monde réel, et le fossé s’agrandit entre la manière dont elles opèrent et celle dont leurs clients vivent. Ce n’est pas uniquement une tromperie su tutelle, mais aussi un suicide économique. Des millions, si ce n’est des milliards, sont gaspillés tous les jours en procédures inutiles et insensées; dans ma petite histoire, nous avons été facturés pour l’intervention du technicien venu fermer la vanne, mais l’amende ne suffisait pas a couvrir le temps passé (il a certainement passé du temps a chercher la vanne, cachée par la végétation), l’essence consommée et l’amortissement de son véhicule, c’était typiquement une situation perdant-perdant.

Des communautés locales, pas des clients

L’expérience client et le big data sont en train de devenir des sujets à la mode, ce qui signifie que les entreprises sont en train de réaliser que les choses vont mal. Hélas, elles continuent à plaquer de nouvelles notions sur de vieux mécanismes: le ciblage comportemental est bien moins affaire de comportements que de ciblage, et les médias sociaux sont bien souvent un nouveau canal pour nous entraîner vers l’enfer du service client. Bien sûr, les entreprises connaissent leurs clients de mieux en mieux, parce que nous laissons de plus en plus d’empreintes en ligne, et que la technologie nécessaire pour corréler ces données est à notre disposition. Mais connaître signifie-t-il… Comprendre ? Définitivement pas.

On n’apprend pas l’ébénisterie dans un livre. Comme pour tout artisanat, il faut observer un ébéniste, discuter avec lui, essayer par soi-même sous sa direction, pour pleinement comprendre ce qu’il fait et pourquoi il le fait. Il en est de même avec des clients. Pour les comprendre, les entreprises vont devoir marcher dans leur pas pour apprendre leurs intentions véritables. La plupart des entreprises doivent reconsidérer la manière dont elles conçoivent leurs services. Comme l’écrivait récemment Helen Clarkson, directrice du Forum for the Future:

«Mais par-dessus tout nous savons que notre paradigme économique actuel n’est pas soutenable. C’est pourquoi au Forum nous parlons de créer #theBIGshift – un changement pour un nouveau paradigme. Cela signifie trouver de nouvelles façons pour le fabricant de machines à laver de trouver un business modèle soutenable (louer les machines et récupérer ma monnaie, par exemple) plutôt que de paniquer et de renvoyer sa force de vente.»

Mais, bien que nécessaire, ce n’est pas suffisant. Notre conception actuelle de l’avènement d’une nouvelle économie du partage est encore entachée de préceptes hérites du passé. Au lieu de penser en termes de clients, nous ferions mieux de commencer à penser en termes des communautés locales qui se forment pour compenser l’incapacité des entreprises à s’adapter aux attentes de leurs clients. Au lieu leur vendre, louer, ou quelque-business-modèle-que-ce-soit (les vieux réflexes des marketeurs ont la vie dure), les entreprises devraient se transformer en organisations légères pour construire leur business AVEC elles. Que se passerait-il si, au lieu de gaspiller de l’argent à cause de procédures obsolètes, notre compagnie de distribution d’eau avait délégué le pouvoir d’ouvrir et de fermer les vannes à la municipalité ? Que se passerait-il si, au lieu de considérer les communautés locales comme des clients, les entreprises se mettaient à les supporter activement, les considérant comme les parties prenantes d’une économie plus durable ?

Posted in Vécu | Tagged , , , , , , | Leave a comment

Débarassons-nous du Social Business

corbeilleLa version originale de ce billet, en anglais, a été publiée sur CMSWire.

Lorsqu’on me demande d’illustrer l’évolution de l’entreprise, je me réfère souvent à cette scène célèbre des “Aventuriers de l’Arche perdue” de Steven Spielberg, scène au cours de laquelle Indiana Jones tue sans s’émouvoir d’un simple coup de pistolet un impressionnant homme d’épée. Pour moi, cela montre bien à quel point nos présuppositions sur la manière dont l’entreprise devrait opérer dans le monde d’aujourd’hui sont inefficaces et dysfonctionnelles. Ensuite, parce qu’un petit croquis vaut mieux qu’un long discours, je montre cette parodie de la même scène.

Une illusion technologique

“Social”, tel que nous l’entendons de plus en plus souvent et tel que nous commençons à le voir sur la to-do listes des dirigeants d’entreprise, a en fait aujourd’hui plus à voir avec des épéistes “augmentés” par la technologie qu’avec le changement de paradigme incarné par Harrison Ford. L’initiative “Zero Email” largement médiatisée (et par ailleurs marque déposée) par Atos, par exemple, pourrait bien n’avoir longtemps pour seul effet que de libérer les collaborateurs de l’écran sur lequel ils consultent leurs emails pour les enchaîner à un autre sur lequel défilera un flux d’activités.

“Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient dit des chevaux plus rapides

Assez ironiquement, l’une des citations les plus emblématiques de l’ère industrielle, attribuée à Henry Ford, tout en incarnant l’échec auquel sont vouées les méthodes de marketing “push” dans une époque marquée par la versatilité du client, est un piège dans lequel bien des initiatives “sociales” se précipitent avec enthousiasme. Que pensez-vous que veulent les entreprises ? Des employés plus efficaces, plus rapides. Des chevaux plus performants, plus rapides… Ne veulent-elles donc pas se transformer ? Bien sûr que si; mais comme nous savons à quel point changer les comportements est difficile, nous nous appuyons sur le fait que la technologie induira le changement. C’est une religion si bien partagée que je ne fais aucun lien vers un rapport ou un blog, vous les trouverez facilement.

Mais c’est une illusion. La technologie n’a rien à voir avec le déclenchement, elle est affaire de mise à disposition. Entre les mains d’employés autonomes et volontaires (pour peu qu’ils se sentent par eux-mêmes autorisés à agir ainsi, mais c’est une autre histoire), la technologie met à leur disposition de nouvelles opportunités de partager le savoir, de nouer des relations ad hoc et de s’organiser en réseaux. Entre les mains de managers orientés résultats, dans le cadre de nos structures hiérarchiques, elle offre de nouveaux leviers pour renforcer un état d’esprit commande-et-contrôle.

Un non-sens économique

La transformation des organisations ne viendra ni de l’évolution de la technologie, ni des nouveaux comportements que nous sommes en train d’adopter dans notre vie privée. Nous vivons dans un monde co-évolutionnaire, comme le disait Sir Winston Churchill: “Nous façonnons nos immeubles, et ensuite nos immeubles nous façonnent” Pour survivre, nos entreprises doivent prendre en main leur propre évolution afin de tirer parti des changements profonds à l’oeuvre dans notre vies comme dans la technologie.

Restons, pour un moment, à l’écart du débat populaire autour du leadership, pour considérer une profonde réalité, souvent négligée dans le contexte du social business: les entreprises sont des entités économiques, et leur raison d’être est de faire du profit. Dans un article influent de 1937, “The Nature of the Firm“, Ronald Coase a analysé la raison pour laquelle les entrepreneurs créaient et faisaient grandir des entreprises en engageant des personnes et les faisant travailler ensemble sous l’égide d’une entité unique. Sa théorie, qui lui valut le Prix Nobel d’Economie en 1991, était qu’en agissant de cette manière, les entreprises minimisent les coûts de transactions relatives à l’accès et à l’organisation des ressources, en constituant ainsi une alternative plus efficace, organisationnellement et économiquement, aux marchés.

Aujourd’hui, les entreprises ont perdu la partie contre les marchés, qu’elles produisent des biens tangibles ou intangibles. Par le bas, le travail est devenu une commodité, les contrats à durée déterminée, le travail en free-lance et l’outsourcing sont devenus bien plus rentables et représentent un bien plus grand apport de savoir que l’organisation fermée des ressources qui a prévalu durant la Révolution Industrielle. Par le haut, les entreprises sont désormais des biens négociables et négociés aux mains des actionnaires, et sont devenus objets de Destruction Récréative (pardon à Schumpeter pour ce jeu de mots) sur les marchés financiers. En s’assujétissant, en interne comme en externe, aux mécanismes des marchés, les entreprises ont perdu non seulement leur marge de manoeuvre, mais aussi leur sens: elles n’ont plus de légitimité à faire de l’argent pour faire de l’argent, car cela ne correspond plus à leur raison d’être, à savoir une alternative de production crédible aux marchés. Les entreprises, en tant qu’entités économiques, sont en train de devenir un non-sens économique.

Confrontés à ce vide, pouvons-nous sérieusement considérer le Social Business comme un remède pour ces entreprises vidées de leur sens, a fortiori lorsqu’aveuglées par les fausses promesses de la technologie, aussi collaborative, en réseau, distribuée ou émergente puisse-t-elle être ?

L’entreprise en tant que plateforme

La transformation que doivent entreprendre les organisations n’est ni technologique (débarrassons-nous donc du Social Business à ce titre) ni structurelle (quel périmètre reste-t-il au leadership, lorsqu’inféodé aux marchés ?) mais plutôt téléologique. Les objectifs financiers, tels que décrits par Coase, tout autant que les objectifs basés sur une mise au service de client, n’existent plus, et ne reste que le besoin d’atteindre les objectifs fixés par les analystes. Les entreprises ont perdu leur crédibilité et leur potentiel en tant qu’alternatives économiques aux marchés, et doivent trouver et énacter une nouvelle finalité pour survivre. Plutôt que de s’accrocher à une transformation “sociale” vouée à l’échec, elles doivent maintenant trouver la force de sortir d’un paradigme économique qu’elles ne sont plus en mesure d’assumer.

Si vous ne pouvez les vaincre, joignez-vous à eux“, dit le vieil adage. Si les entreprises ne peuvent construire leur identité en rivalisant avec les marchés, pourquoi ne deviennent-elles pas leur support ? De systèmes clos, elles pourraient se transformer en plateformes où opéreraient des unités plus petites, voire des marchés. Dans “The Connected Company“, Dave Gray écrit:

“Une organisation populaire a besoin de structures de support qui maintiennent les pods en réseau afin qu’elles puissent coordonner leurs activités, partager l’apprentissage, et accroître l’efficacité globale de l’entreprise. Les plateformes sont des structures qui accroissent l’efficacité d’une communauté. […] Ce qu’ont réalisé des organisations semblables à des villes telles que Facebook ou Amazon, c’est créer des plateformes qui fournissent une colonne vertébrale commune fournissant cohérence et ordre, sans nuire à l’innovation”. 

En se transformant en plateformes, les organisations pourront expérimenter différentes structures et différents modèles, tels que les business modèles collaboratifs analysés par Ross Dawson et Steve Bynghall, et envisager de nouveaux modes de production tels que la “production de pair-à-pair à usage commun” (commons-based peer production), que Yochai Benkler a décrit comme une troisième voie de production, parallèle aux entreprises et aux marchés.

L’entreprise en tant que système social

Dans notre monde hyper-connecté, les entreprises doivent nouer de nouvelles relations avec la société dans son ensemble, tout autant qu’avec les individus qui la composent. Bien que la transformation en plateformes satisfasse à la nécessité de trouver un nouveau sens économique et collectif, elle ne répond pas vraiment au besoin de rassembler et d’impliquer les hommes autour de ce sens. Les entreprises ne sont pas des individus, mais elles sont faites d’êtres humains, et ont besoin d’un moyen de formaliser cette implication réciproque, concrètement, elles ont besoin d’un cadre contractuel.

Revenons à Ronald Coase:

“Ce qui est stipulé dans le contrat sont uniquement les limites de ce que les personnes fournissant le produit ou le service sont sensés faire. Les détails de ce que le fournisseur est sensé faire n’est pas inscrit sur le contrat mais est décidé plus tard par l’acheteur. Lorsque la gestion des ressources (dans les limites du contrat) devient dépendant de l’acheteur en ce sens, la relation que j’appelle une ‘entreprise’ peut être obtenue”.

Wow… De la même manière dont les entreprises ont en-dehors perdu leur finalité économique, elles ont réduites leur flexibilité et adaptabilité internes. La spécialisation du travail, les descriptions de poste, ont limité à la fois, la liberté et la créativité des travailleurs et la capacité des managers à orchestrer efficacement les ressources. Jon Husband a récemment écrit un très bel article sur le besoin de repenser nos modèles de compétences dans une ère connectée, dans lequel il explique à quel point les raisonnements actuels empêchent le changement dont nous sommes témoin de se diffuser à l’intérieur de l’entreprise.

De plus, les notions de vie personnelle et professionnelle, de vie privée, de propriété intellectuelle, sont en train de changer. Les consommateurs sont aussi des créateurs, nos réseaux de confiance ont remplacés les médias dans la manière dont nous découvrons, accédons et mémorisons l’information, reléguant la civilisation de Gutenberg à un épisode de l’histoire. Dans ce contexte, le contrat d’embauche traditionnel a perdu l’essentiel de sa pertinence, et doit maintenant intégrer toutes ces extensions de nous même non directement liées au travail, devenant une sorte de contrat social.

Dans la société civile, le pouvoir est maintenant aux mains de la finance et des marchés. Les entreprises ne leur reprendront pas leur identité. Pour redevenir des agents économiques crédibles, elles vont devoir faire un pas de plus vers la société civile, aux côtés des syndicats, des organisations politiques et autres, et devront se retrouver une identité et une raison d’être en puisant aux racines des structures de production pré-industrielles.

Il est sans doute temps de renoncer aux illusions du Social Business, pour nous concentrer sur ce qui compte réellement: la transformation d’artefacts du passé en alternatives durables, et responsables, aux marchés, en tant qu’agents de production. Le chemin va être long…

Posted in Francais, Vu, lu ou entendu | Tagged , , , , , , , | Leave a comment

The Thin Organization, Part III: From Social to Social

thin organizationCo-evolution of organizations, technology and people is even more a fact we have to assess and embrace than a necessity. Yet, most of present social business anthems focus more on the adoption of emerging technologies, to cope with the change happening in our life, as consumers or as employees, than with core organizational change, implying that adaptation will follow adoption, diving into causal illusion.

Structural or anecdotal change?

In many places – with just a touch of caricature -, business transformation is reduced to setting back the customer and the employee side by side in the front passenger seat, after having let them in the back seat for many years, while driving a car powered by the same four-stroke internal combustion engine. In its recent paper, Social Business Patterns, IBM states that:

“A social business is an organization whose culture and systems encourage networks of people to create business value. Social businesses connect individuals, so they can rapidly share information, knowledge and ideas by having conversations and publishing informal content. They analyze social content from multiple channels and sources, in addition to structured data, to gain insights from both external and internal stake- holders.”

Similarly, in its The Evolution of Social Business study, the Altimeter Group writes:

“Organizations moving into this stage [the Converged state, defined as ‘Business is Social’] are driven by a vision that articulates how social media and digital overall improves customer and employee relationships and experiences.”

But we live in an era which sees many business models doomed with obsolescence, customers swiftly changing their consumption patterns, economic structures collapsing, employees disengaged at an alarming rate. In such a situation, isn’t then transforming processes into, or enhancing them with, conversations a rather lame objective for organizational evolution ? Business has always been done with people for people; and setting people back in the driver seat is the real and only way to go. Focusing, as we do, on “social” as an enabler, is putting emphasis on anecdotal, rather than structural, change.

In reality, a deeper transformation is already at work. Organizations transform themselves, following either an evolutionary or revolutionary path. They always did, in fact, and “the trajectory toward Smart/Social Business/Enterprise 2.0 began decades ago with the shift towards ‘the learning factory’ model“, as Anne Marie McEwan put it in her book Smart Working – Creating the Next Wave. Looking at past, and present, experiments and initiatives from a people-centric (employees as well as customers) view, can help us in envisioning successive stages in organizational future.

The connected organization

“Connected companies are not hierarchies, fractured into unthinking, functional parts, but holarchies: complex systems in which each part is also a fully-functional whole in its own right. A holarchy is a different kind of template than the modern, multidivisional organization. It’s podular.”

This epigraph from Dave Gray’s book, The Connected Company, says it all. To be able to adapt both to customers’ changing needs and to competitive pressure, organizations should adopt a decentralized cooperative model, and develop the ability to build strategic as well as operational ad hoc “alliances”. This model isn’t new, far from that. The Italian industry, for instance, has been dominated by small (70% of Italian workers work for firms having fewer than 100 employees), family-owned businesses, able to cluster on opportunistic opportunities. This structural agility, combined with a high focus on informal and continuous learning, has proved itself to be highly successful since the beginning of the Industrial Revolution.

More recent examples abound. Tom Peters has extensively written about companies like Union Pacific Railroad, which reinvented itself during the 80s by breaking up into small inter-related units. Kyocera Corp., a US$ 13 billion revenue Japanese ceramics and electronics manufacturer, has structured itself as a multitude of small customer-focused business units.

The porous organization

As responsive and adaptive as it can be, the connected organization lacks the capability to understand its customers “from the inside”, to meaningfully cope with abrupt and always faster shifts in markets’ orientations and customers’ needs. To understand customers’ job-to-be-done, companies will need to evolve further, and to directly integrate them into their processes, to make them integral part of the business ecosystem. Co-design, service design, are some of of the fields of practice which aim at setting the final user at the center of the stage. But this trend toward building multi-sided ecosystems, toward nurturing a symbiosis beneficial to all stakeholders, outside as well as inside the organization, is even more acute in the B2B world, where such evolution already exist.

Consider for instance the Suppliers Team Volvo Cars Human Resources Management Forum, which brings together HR representatives from the Volvo Cars Belgian assembly plant and some twenty suppliers, allowing them to openly share human resources issues and opportunities. Greg Lloyd, President and co-founder of Traction Software, gave me another example when, for the Future of [Collaborative] Enterprise project, he described the way Boeing was used to exchange entire teams with its suppliers for a limited time, to better understand each other needs and operational practices.

The thin organization

Restructured for nimbleness, tied to customers’ satisfaction and suppliers’ prosperity, organizations will have to deal, not only with dissolving boundaries, having to orchestrate resources they won’t own anymore, but also with the influence this evolution will exert on people. Remember, we are in a coevolutionary world, and while porous organizations will conform to the organizational structure observed and described by Ranjay Gulati and David Kletter in Shrinking Core, Expanding Periphery: The Relational Architecture of High Performing Organizations, they might have to aim at even deeper transformation to thrive, or even to survive, in the era of “worksumers”, of individuals who more and more are considering work, as well as products and services consumption, as activities less and less differentiated, fully integrated into an hyper-connected life.

When such dilution occurs, and it WILL occur, the very notion of organization will have to evolve. Responsive and adaptive customer-centricity in the worksumption era will morph into symbiosis, an ultimate form of win-win co-evolutionary relationship.

Social, in our not-so-private life, is teaching us that getting is giving, and new partnerships, which already begin to take place, will have to form between the entities which structure our lives: public/private, economic/political, leisure/professional. Successful companies will depart from the present view of profit as a private, financial only asset in the hands of shareholders, by enforcing its socially cohesive dimension, in a model somehow close to German capitalism. They will have to assume their role in non-directly-professional domains, whether it be in education, urban development, or preservation of environment. They will become social, in the original sense of it.

We can already see a few example of companies this ultimate stage of transformation, like Zappos and its Downtown Las Vegas project, or Compuware and Detroit’s Edible Gardens. “Social media will be like air“, once said Charlene Li, founder of Altimeter Group. Yet, the “social” she was talking about were the technologies supporting the evolving lattice of our relationships. The successful companies of tomorrow will, in turn, become thin organizations, weaving with worksumers the kind of relationships supported by a Wirearchy, as defined by Jon Husband:

“a dynamic two-way flow of power and authority based on trust, knowledge, credibility and a focus on results enabled by interconnected people and technology.”

Hierarchies won’t disappear. They will maintain the core structure of organizations, like the engine powering a car, whoever the driver is. This comes at a risk: power and authority flows can be gamed, and hijacked at the benefit of few. Whether it becomes enabler of a better life, or Big Brother of a dull future, the becoming of the thin organization definitely belongs to us.

Posted in As seen, heard or read, English | Tagged , , , , , , , , | 4 Comments

L’organisation légère, Partie III: du social au social

thin organization

La co-évolution des entreprises, de la technologie et des personnes est bien plus un fait que nous devons accepter qu’une nécessité. Pourtant, la plupart des chantres actuels du social business mettent davantage l’accent sur l’adoption des technologies émergentes, afin de se mettre en phase avec les changements impactant notre vie, en tant que consommateurs ou en tant qu’employés, que sur la transformation intrinsèque des organisations, assumant que l’adaptation suivra l’adoption, plongeant ainsi dans une illusoire relation de cause à effet.

Changement structurel, ou conjoncturel ?

Dans bien des cas – en ne caricaturant que légèrement -, la transformation de l’entreprise se résume à remettre client et employé côte à côte sur le siège passager, après les avoir laissé pendant bien des années sur la banquette arrière, d’une voiture mue par le même vieux moteur à explosion. Dans une récente parution, “Social Business Patterns“, IBM écrit que

“Un social business est une entreprise dont la culture et les systèmes encouragent des réseaux d’individus à créer de la valeur. Les social business connectent les personnes, afin qu’elles puissent rapidement échanger des information, du savoir et des idées à travers des conversations et la publication de contenu informel. Elles analysent le contenu social de canaux et de sources multiples, en addition aux données structurées, afin de produire des idées générées par les parties prenantes tant externes qu’internes”.

De même, dans son étude “The Evolution of Social Business“, Altimeter Group écrit:

“Les organisations arrivant à ce stade [qu’ils appellent ‘Converged state’, état de Convergence, et définissent dans les termes ‘le Business est Social’] sont animées par une vision qui expriment de quelle manière les médias sociaux et digitaux améliorent l’expérience et les relations entre client et employé”.

Mais nous vivons dans une époque où beaucoup de business modèles sont frappés d’obsolescence, où les clients changent de plus en plus rapidement leurs modes de consommation, où les structures économiques s’effondrent, où les employés sont désimpliqués à un niveau alarmant. Face à une telle situation, la transformation, ou l’amélioration, des processus business par les conversations ne constitue-t-elle pas un objectif dérisoire en terme d’évolution des organisations ? Les affaires ont toujours été réalisées avec des gens pour des gens, et l’unique chose à faire est des remettre ces gens sur le siège du conducteur. Nous concentrer, comme nous le faisons, sur le “social” en tant que catalyseur, c’est mettre l’accent sur un changement conjoncturel, plutôt que structurel.

En fait, une transformation plus profonde est déjà à l’œuvre. Les entreprises se transforment, selon un processus soit révolutionnaire, soit révolutionnaire. Elles l’ont toujours fait, en réalité, et: “la trajectoire vers le Social Business/Enterprise 2.0 a débuté il y a des décennies avec le changement vers le modèle de ‘l’usine apprenante’“, comme l’écrit Anne Marie McEwan dans son livre, Smart Working – Creating the Next Wave. Observer les expériences et initiatives passées et présentes depuis un angle recentré sur les personnes (employés tout autant que clients), peut nous aider à imaginer les étapes successives du futur des organisations.

L’organisation connectée

“Les entreprises connectées ne sont pas des hiérarchies, scindées en éléments fonctionnels et irréfléchis, mais des holarchies: des systèmes complexes dans lesquels chaque partie est également un tout pleinement fonctionnel. Une holarchie est un modèle différent de l’organisation moderne, à multiples divisions. Elle est podulaire”.

Cet épigraphe du livre de Dave Gray, “The Connected Company”, est éloquente. Pour pouvoir d’adapter à la fois aux besoins changeants des clients et à la pression de la compétition, les entreprises doivent adopter un modèle coopératif décentralisé, et développer la capacité à former des “alliances” ad hoc, stratégiques autant qu’opérationnelles. Ce modèle n’est pas neuf, de loin s’en faut. L’industrie italienne, par exemple, est caractérisée par de petites (70% des employés italiens travaillent dans des entreprises de moins de 100 salariés) entreprises familiales, capables de se regrouper au gré des opportunités. Cette agilité structurelle, combinée à une forte attention portée à l’apprentissage informel et continu, ont prouvé leur force depuis le début de la Révolution Industrielle.

Les exemples plus récents abondent. Tom Peters a abondamment écrit au sujet d’entreprises telles que l’Union Pacific Railroad, qui s’est réinventée au cours des années 80 en se décomposant en petites unités reliées entre elles. Kyocera Corp., fabricant japonais de céramique et d’électronique de plus de 13 milliards de dollars de chiffre d’affaire, s’est structuré en une multitude de petites business nuits centrées sur les clients.

L’organisation poreuse

Aussi réactive et adaptive qu’elle puisse être, l’organisation connectée n’a pas réellement la compétence nécessaire à la compréhension de ses clients “de l’intérieur”, de gérer correctement des changements abrupts et de plus en plus rapides dans l’orientation des marchés et dans les besoins des clients. Pour comprendre le job-to-be-done de leurs clients, les entreprises doivent évoluer encore, et les intégrer directement dans leurs processus, en faire une partie intégrante de leur écosystème. Le co-design, le design de services, sont quelques-unes des pratiques qui visent à mettre l’utilisateur final au centre de la scène. Mais cette tendance construire des écosystèmes multi-facettes, à développer une symbiose bénéficiant à toutes les parties prenantes, est encore plus évidente dans l’univers B2B, où une telle évolution a déjà pris place.

Regardez par exemple le Suppliers Team Volvo Cars Human Resources Management Forum, qui réunit des représentants des RH de l’usine d’assemblage de Volvo Cars en Belgique et environ vingt de ses fournisseurs, leur permettant de partager ouvertement des problèmes et des opportunités concernant les ressources humaines. Greg Lloyd, Président et co-fondateur de Traction Software, m’a fourni un autre exemple, lorsque, pour le projet Future of [Collaborative] Enterprise, il a décrit la manière dont Boeing a pris l’habitude d’échanger pour durée limitée des équipes entières avec ses fournisseurs, afin de mieux comprendre les besoins et les pratiques opérationnelles de chacun.

L’organisation légère

Restructurées pour l’agilité, liées à la satisfaction de ses clients et à la prospérité de ses fournisseurs, les organisations vont devoir gérer, non seulement des frontières qui se dissolvent, devant orchestrer des ressources que, pour l’essentiel, elles ne possèdent plus, mais aussi l’influence que cette évolution même va exercer sur les individus. Souvenez-vous, nous sommes dans un monde en co-évolution, et, bien que les organisations poreuses auront une structure organisationnelle similaire à celle observée et décrite par Ranjay Gulati et David Kletter dans Shrinking Core, Expanding Periphery: The Relational Architecture of High Performing Organizations, elles risquent de devoir entreprendre une transformation plus profonde encore, pour prospérer, voire même pour survivre, dans une époque de “travaillacteurs”, d’individus qui considéreront de plus en plus le travail, ainsi que la consommation de produits et de services, comme des activités de moins en moins différenciées, complètement intégrées dans une vie hyper-connectée.

Lorsqu’une telle dilution arrivera, et elle arrivera, la notion même d’organisation va devoir évoluer. Le recentrage réactif et adaptatif sur le client, dans l’ère de la travaillaction, se transmuera en symbiose, forme ultime d’une relation co-évolutive gagnant-gagnant.

Le social, dans notre vie plus-si-privée-que-cela, nous apprend que pour recevoir il faut donner, et de nouveaux partenariats, qui commencent déjà à se mettre en place, devront se former entre les entités qui structurent notre vie: public/privé, économique/politique, loisirs/profession. Les entreprises florissantes s’éloigneront de la vision actuelle du profit en tant que capital privé et uniquement financier, aux mains des actionnaires, pour mettre en avant sa dimension de cohésion sociale, selon un modèle plus ou moins proche du capitalisme rhénan. Elles devront assumer leur rôle au seins de domaines non directement professionnels, qu’il s’agisse de l’éducation, du développement urbain, ou de la préservation de l’environnement. Elles deviendront sociales, au sens originel du terme.

Nous pouvons déjà voir quelques exemples d’entreprises à ce stade ultime de transformation, telles que Zappos, et son projet Downtown Las Vegas, ou Compuware et les Edible Gardens à Détroit. Charlene Li, fondatrice d’Altimeter Group, avait prédit que “les médias sociaux deviendront comme l’air“. Mais le “social” dont elle parlait représentait les technologies qui supportent le réseau en perpétuelle évolution de nos relations. Les entreprises florissantes de demain deviendront, à leur tour, des organisations légères, nouant avec les travaillacteurs le type de relations que décrit une Wirearchie, telle que l’a définie Jon Husband:

“un flux bilatéral dynamique de pouvoir et d’autorité basé sur la confiance, le savoir, la crédibilité et un accent sur les résultats permis par les personnes interconnectées et par la technologie”.

Les hiérarchies ne disparaîtront pas. Elles soutiendront la structure centrale des organisations, tout comme le moteur propulsant une voiture, quel qu’en soit le conducteur. Ce qui induit un risque: les flux de pouvoir et d’autorité peuvent être manipulés, et détournés au profit de quelques-uns. Qu’elle devienne le support d’une vie meilleure, ou le Big Brother d’un futur maussade, le futur de l’organisation légère est sous notre responsabilité.

Posted in Francais, Vu, lu ou entendu | Tagged , , , , , , , , | Leave a comment

L’organisation légère, Partie II: Englués dans une causalité trompeuse ?

causal opacity

Notre monde changeViteRadicalement. Pour suivre ce rythme, ou simplement pour éviter la rupture, les entreprises doivent évoluer. Les Trente Glorieuses, ces années qui ont incarné l’Age d’Or de la production de masse et de la consommation standardisée, sont définitivement derrière nous, laissant place à ce que Nilofer Merchant appelle l’Ere Sociale, un âge tant d’hyper-connectivité que d’extrême individualisme, caractérisé par la versatilité des marchés et par l’incertitude des comportements des consommateurs. Dans ce contexte, évoluer n’est plus un choix.

En réalité, l’évolution a toujours été là, à l’intérieur comme à l’extérieur des entreprises. Pourtant, beaucoup de tentatives pour la nourrir ce sont révélées être des impasses. Des principes organisationnels innovants, tels que le Lean ou le système de management par la qualité (TQM), ont été détournés de leur focus initial autour du client (faire mieux pour mieux servir le client) pour renforcer les lacunes bureaucratiques et mécanistes des entreprises Tayloristes. Pourquoi ?

Une de nos plus grandes erreurs pourrait être d’avoir considéré les trois grands pôles de cette évolution, les individus, la technologie et l’entreprise, comme des facteurs séparés liés par une chaîne de causalité. Nous avons affirmé, et cru, que des technologies nouvelles changeraient notre façon de gérer l’entreprise, ce qui à son tour changeraient nos clients, en créant d’avantage de demande. Ou, de la même manière, que de nouveaux principes d’organisation modifieraient la performance des travailleurs, performance qui réclamerait pour être mieux gérée de nouvelles technologies. Et ainsi de suite. Mais ce qui fonctionne dans un monde mécaniste ne s’applique plus à un monde complexe. Les causes et les conséquences sont brouillées, et l’évolution est le résultats de beaucoup d’interdépendances non-linéaires qui ne peuvent être isolées. Transformer un des termes de l’équation n’assure pas sa propagation au reste des composants, et bien des innovations organisationnelles n’ont pas fourni les résultats escomptés, s’engouffrant dans une causalité trompeuse. Du point de vue de la complexité, la transformation est une co-évolution, qui se produit à travers les connexions existantes entre les divers systèmes. L’entreprise Tayloriste s’est avérée un èchec, et s’est elle-même rendue incapable d’évoluer, non par manque de volonté, mais parce qu’elle a perdu le contact avec la créativité des employés et avec les attentes des clients. Les entreprises doivent se reconnecter avec leurs clients, et revenir à la définition donnée au business par Peter Drucker: «il n’y a qu’une seule définition valide de l’objet du business: créer un client».

Malheureusement, il semble souvent que nous n’apprenions pas du passé. L’Enterprise 2.0 a été initialement définie comme la transformation du business à travers l’usage des technologies. Pour IBM, «social» signifie «changer la manière dont les individus se connectent et dont les entreprises réussissent», tandis qu’Oracle affirme que les médias sociaux transforment les entreprises et la façon dont elles interagissent avec les clients. Le credo actuel en ce que «le social déclenche et amplifie le changement» ressemble tellement à une nouvelle illusion de causalité. Dans un monde en co-évolution, le changement est mené par l’influence, et par l’adéquation des entreprises à l’écosystème global. En d’autres termes, celles-ci devraient se concentrer sur leur propre transformation par elle-même pour rester dans la course de la mutation globale du business. Comme l’a si bien dit Gandi: «Si nous pouvions nous changer nous-mêmes, les tendances du monde changeraient également».

Posted in Francais, Vu, lu ou entendu | Tagged , , , , , , , | Leave a comment